Vertice & pico de Anayet (2.559 m & 2.545 m)

Accès routier  : Vallée d’Aragon. Passer le col du Pourtalet et descendre vers Sallent de Gallego, environ 3 km plus loin on trouve à droite le petit parking de Culivillas, jouxtant le corral deras Mulas. Une barrière métallique nantie d’un portail Bienvenido Anayet interdit le passage en saison estivale. Départ à 1.625 m.

Dénivelée  : 950 m.

Horaire : 5 à 6 heures A & R.

Difficulté : À l’écart des grands massifs, les montagnes de Anayet n’attirent pas la grande foule et l’amateur de déserts pyrénéens ne s’en plaindra pas. Si l’on excepte la cabane-refuge de Canal Roya (1.560 m) on n’y trouve aucun hébergement mais le terrain offre de nombreuses possibilités de bivouac. L'ascension du Vértice n’oppose pas de difficulté sérieuse, celle du Pico réclame une certaine pratique de l'escalade rocheuse (barre exposée mais sécurisée puis cheminée rocailleuse d'une vingtaine de mètres). Son accès restera réservé aux montagnards ou randonneurs expérimentés qui éviteront de s'y risquer par mauvais temps.

Cartographie : Carte n°2 au 1 : 40.000 des Editions Pirineo nantie d'un livret explicatif (Collarada/Aspe/Anayet/Bisaurin) disponible à Sallent de Gallego.

Bibliographie : Alain Bourneton : Les grandes Pyrénées (Editions Glénat, 1995). Miguel Angulo : 1.000 ascensions dans les Pyrénées (tome I, d'Hendaye au Somport) (Editions Elkarlanean, 2002)

Emprunter la piste goudronnée qui mène aux vastes parkings de la station de ski de Formigal. Elle franchit un pont puis monte direction Sud-Ouest en larges lacets épousant les méandres du rio Culivillas. Vaches et chevaux regardent passer le touriste d’un œil placide : le bipède à musette, ils connaissent. Bien qu’éclipsé par l’Ossau, l’Anayet et son voisin le Vértice drainent sur leurs pentes des randonneurs curieux de voir ces fameux jeux de lumières et de couleurs auxquels ce massif doit une partie de sa réputation. Ceinturé par la Canal Roya au Nord et la Canal de Izas au Sud, qu’il surplombe de près de 1.000 m, il fut fréquenté au cours des siècles par les chasseurs, les bergers, les paysans et ceux qui transitaient de Sallent à Canfranc ou à Candanchu. En 1874, année où le comte Russell réalisa la première ascension recensée de l’Anayet, la contrée restait quasiment inexplorée, le mot aventure prenait tout son sens. À divers endroits, des mines de fer et de cuivre furent exploitées de façon artisanale au profit des forges locales. Russell retrouva au pied du Pico les vestiges d’une casemate qui avait abrité la poignée de mineurs chargés d’extraire le minerai de la roche. La mine de Troya, au-dessus de la station, est toujours en activité.

Dommage qu’un tel cadre soit défiguré par les installations tentaculaires de la station de ski, qu’il nous faut traverser. Télésièges, plates-formes techniques, restaurants, bars, parkings, partout des pylônes, des poutrelles, des engins de chantier, des câbles, du verre et du béton. Chaque année la société des loisirs pénètre davantage la montagne aragonaise, la relooke et l’équipe pour s’en servir de terrain de jeu. À l'altitude 1.750 m, on abandonne piste et équipements mécaniques pour suivre la sente qui s’élève sous les fûts des canons à neige, puis rive gauche du rio de Culivillas en direction du pic Royo. À ce niveau, on trouve le balisage rouge et blanc du GR11 qui relie Sallent à Canfranc.

On parvient rapidement à une combe (1.880 m) située entre les picos Dera Garganta et Culivillas. S’orienter dans le vallon herbeux de Anayet qui s’ouvre à l’Ouest. Le sentier se faufile entre d’énormes quartiers de roche venus atterrir au fond du talweg puis s’élève sans temps morts. Difficile de marcher à l’ombre, il n’y a pas même un arbuste. À main gauche, la sinueuse crête des Arroyeras, à droite celle de la Garganta. A mesure que l’on progresse, la végétation se rabougrit, l’herbe se fait rase et jaune, une terre violacée colle à nos semelles.

De palier en palier, après avoir franchi plusieurs fois le ruisseau, on atteint le Passo de Culivillas (2.230 m, 2¼ heures), au seuil du Corral de las Arroyetas ou Pleta de Anayet, vaste lagune suspendue où reposent les lacs en voie de disparition de Anayet. Autrefois occupée par des centaines de moutons, elle s’étend déserte, tapissée de pelouses qui à l’automne prennent une teinte vieux bronze. Cadre d’une âpre beauté qui n’est pas sans évoquer les hauts plateaux andins. Dépaysement garanti.

Face à nous, de l’autre côté de la canal Roya, le géant de pierre ossalois, conquis à la force du poignet en 1787 par un berger engagé par le chimiste Henri Reboul pour mesurer l'altitude du sommet. À sa gauche, non moins impressionnant, un autre vieux volcan, celui de Anayet, dont l’épaule se pare d’une large écharpe lie-de-vin. La cabane des mineurs a disparu mais on voit bien l’entrée de la mine de cuivre – la blessure faite à la montagne – dont parlait Russell, sur son flanc oriental.

Un sentier évident contourne le plateau lacustre par la gauche et serpente à travers les mamelons herbeux, jonchés de gros blocs d’un conglomérat à dominance rougeâtre. La plupart des ruisseaux sont à sec. En fond d’écran, la pyramide cramoisie du Vértice accapare l’attention.

On parvient au pied d’un couloir de terre cuite qui nous dépose sur la selle séparatrice du Vértice du Pic (2.325 m, 3h).

Le Vértice se dresse au Sud, à la pointe d’une rampe tapissée de névés jusqu’en juin. Longer le bord de la crête en filant une sente dans les strates rocheuses jusqu’à la cime, plantée d’une borne géodésique foudroyée.

Plus élevé en altitude que son voisin malgré les apparences, le Vértice offre de magnifiques points de vue au Sud sur le massif de la Collarada, avec au premier plan Pala de Yp et Moleta, plus bas sur le Canal de Izas et les pitons du Campanal. À l’Ouest, vue étendue sur le massif d’Aspe, le Bisaurin, l’Aguerri, le Castillo d’Acher, l’Ansabère, les Trois Rois, l’Anie. Et, au Nord, derrière le Pico, l’Ossau et sa grande raillère.

Du sommet du Vértice, on distingue parfaitement le cheminement à suivre pour gravir la pointe d’ophite. Il est moins scabreux qu’il n’y parait.

Redescendre au col où on peut laisser son sac puis suivre un sentier en balcon qui contourne par la gauche un rognon rocheux.

Remonter un couloir herbeux facile qui livre l’accès à un grand replat de grès rougeâtre. S’élever de cairn en cairn le long des falaises en ruines.

Des traces dans la pierraille nous amènent au passage clé : l’escalade d'une barre haute d'une dizaine de mètres et longue du double qui surplombe un passage exposé. La roche est lisse et patinée mais les prises ne font pas défaut. Une traversée similaire, toutes proportions gardées, au Pas des Isards sur le versant Sud du Cirque de Gavarnie. Le filin effiloché a été récemment remplacé par une chaîne de sécurité. La vigilance est de mise, mieux vaut ne pas se risquer sur cette dalle en cas de forte pluie, d’orage ou de verglas.

L’obstacle franchi, suivre le chemin de ronde sur le versant Sud.

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On atteint rapidement la base d’une cheminée d’andésite d'une vingtaine de mètres, peu difficile (I.sup) mais en terrain instable. Un dernier crochet à droite nous livre la cime.

Russell pouvait à bon droit s’extasier devant la perspective aérienne, le Pico de Anayet est l’un des plus beaux belvédères des Pyrénées occidentales. Outre les cimes déjà visibles du Vértice, ajoutons au Sud-Sud-Est la sierra de la Partacua, Telera et Retona ; au Sud-Est, Tendeñera et Otal. À l’Est, les grandes vagues du groupe Arriel-Pallas-Balaïtous-Frondella, du Cambales, de la Fache, des pics d'Enfer et du Garmo Negro.