Tuc des Armèros (2.534 m)

Accès routier  : À Vielha, prendre la direction du port de la Bonaiga, et au centre de Salardu bifurquer à gauche vers Bagergue. Traverser le village et suivre la route qui, deux kilomètres plus loin, se transforme en piste et mène à une barrière flanquée d'un panneau et d'une carte touristique. Laisser à droite la piste qui monte vers les estanys de Liat, continuer jusqu'au fond de la pleta Ribèra (1.510 m) et prendre à gauche celle qui, au niveau de la bòrda de Lassus, monte en lacets  dans les estives vers le còth de Varrados. L'état passablement dégradé de cette piste (signalisée PR112), raide, étroite et longue de dix kilomètres, la réserve aux seuls possesseurs de 4x4. Départ à 2.040 m.

Dénivelée  :  500 m.

Horaire : 2 à 3 h A & R.

Difficulté  : Itinéraire de moyenne montagne sans difficulté si on possède carte et sens de l'orientation. Car, en l’absence de balisage, on pourrait vite s'égarer parmi ces montagnes russes truffées de ravines et de barres rocheuses en cas de brouillard.

Cartographie  : Carte n°11 au 1 : 40.000 des Editions Pirineo nantie d'un livret explicatif (Valle de Aran).

Du col, prendre vers le Nord-Ouest, dépasser une aire de terre battue où un troupeau de vaches aime à prendre ses aises et repérer l'amorce d'un sentier qui serpente entre les mamelons herbeux en direction d'une croupe piquée d'un sapin.

On tourne le dos, au propre comme au figuré, à Baqueira, ses remontées mécaniques, ses patinoires, ses piscines, ses échoppes de souvenirs et ses pizzerias, il s’agit du plus vaste domaine skiable des Pyrénées et certains jours la station accueille plus de 15.000 vacanciers. Pas âme qui vive ici, seul un 4x4 d'un autre siècle, appartenant peut-être à un berger venu surveiller son bétail, stationne au còth de Varrados. Serait-ce celui qui a élu domicile dans un vieux wagon aux mines de Liat ?

Tirer à droite pour rejoindre l'orée du ravin, suivre la sente au fond du talweg, elle s’efface par endroits mais quelques cairns jalonnent l'itinéraire.

La sente s'élève en balcon tandis qu'on laisse en contrebas des petits lacs aux formes géométriques enchâssés au creux d'une dépression herbeuse. On évolue dans un milieu parsemé de rhododendrons, de tapis de bruyère, de touffes de chardons bleus, de bouquets de joubarbes, de gentianes, d'arnica et d'aconit. Sur notre gauche s'ouvre la vallée de San Juan de Toran, dominée par la Palomera.

On dépasse un piton rocheux puis le promontoire de Cap des Malhs dera Tartera (2.350 m) avant d'atteindre un point de vue d'où on a enfin le loisir de contempler notre cible. Massive sous cet angle, son dôme est corseté de barres rocheuses qui s'éboulent sur des pelouses verdoyantes.

Le sentier s'interrompt ici et chacun devra composer avec le terrain pour accéder à la cime. Le plus simple est de descendre vers le ruisseau aux eaux ferrugineuses qui nous en sépare, de le remonter jusqu'à une mare d'eau rougeâtre, puis d'attaquer la pente au jugé en visant une selle herbeuse à la base du dôme sommital.

On longe le sourcilleux pic de Varrados (2.435 m) avant d’accéder à cette passe d'où apparaît dans toute majesté la pyramide du Maubermé. Nous sommes en présence du suzerain du Couserans, il règne sur la frontière du haut de ses 2.880 m. La pente s'accentue, heureusement le terrain est sec ; détrempé, il pourrait réserver de belles glissades. L'herbe est drue, ponctuée d'affleurement rocheux, et les bâtons trouvent à s'employer.

Une dernière rampe et nous voilà sur la terrasse du Tuc des Armèros, signalé par une modeste pile de cailloux, preuve qu’il demeure à l'écart des sentiers battus. A l'évidence, le Montlude, pourtant dépassé d'une dizaine de mètres, est plus fréquenté.

Situé au cœur d'un massif composé de schistes du silurien et de calcaire, le Tuc offre un point de vue remarquable non seulement sur les sommets environnants mais bien au-delà puisqu'on reconnaît de l'Ouest à l'Est : Montlude, Sescorjada, Palomera, Serre-Haute, Maubermé, Tuc de Crabes, Tuc der Òme, Tuc de Montoliu, Tuc de Parros, Tuc dera Lança, Marimanha, Tuc de Baciver, Saboredo, Sendrosa, Ratera, Colomers, Montardo, Tuc dera Pincela, Moulières, Salenques, Forcanada, massif de la Maladeta du Russell au pic d'Albe. Et on n'est pas peu surpris de découvrir à nos pieds une kyrielle de lacs : au Nord ceux de Liat, de la Palomera et de la Caudèra ; à l'Est, ceux de Montoliu et Horcalh. Ceux de la Soala, de Baish et de Güèrri échappent à notre regard.

Pas un souffle de vent. On a beau dresser l'oreille, pas un bruit ne parvient jusqu'à nous. Véritables havres de paix, ces pâturages d'altitude sont aujourd'hui désertés, même si on peut apercevoir des troupes de vaches ou de moutons monter à l'assaut des pentes pour bénéficier d'une meilleure pitance. Plus  rares sont les touristes qui s’aventurent par ici et nul ne s'en plaindra. Le silence qui règne sur cette contrée est d'une qualité devenue rare à notre époque. Comme le dit avec pertinence  David Le Breton dans Éloge de la marche : « Allié à la beauté d’un paysage, le silence est un chemin menant à soi. Moment de suspension du temps où s’ouvre un passage octroyant à l’homme la possibilité de trouver sa place, de gagner la paix. Provision de sens et de force intérieure avant le retour au vacarme du monde et aux soucis du quotidien. »

Les temps ont bien changé, quand on songe qu'un siècle plutôt devaient retentir les bruits engendrés par l'exploitation industrielle des filons, explosions de dynamite, martèlement des barres à mine et autres sources de nuisance. Le Tuc des Armeros (Armuriers) tient probablement son nom des militaires en faction sur le site des mines de Liat (2.300 m), un des gisements les plus importants des Pyrénées ; entre 1740 et 1929, on y exploita le fer, le zinc et la blende. Les minerais étaient acheminés par câbles aériens à Pontaut pour être traités. Les installations laissées à l'abandon depuis presque un siècle offrent un spectacle sépulcral : baraques en ruines, pylônes et portiques tordus par la foudre, galeries effondrées, bennes rouillées, ferrailles émergeant du sol, rails rongés par la végétation. Sur ce site plane une atmosphère vaguement inquiétante, par temps d'orage ou de brouillard on pourrait y tourner un film fantastique. Du sommet des Armèros, on peut descendre sur le lac de la Palomera et accéder au site minier situé en contrebas, à 2.300 m d’altitude.

Le premier pyrénéiste à avoir gravi le Tuc des Armèros est le Nantais Maurice Gourdon, le 25 juillet 1879. Chargé par le capitaine Prudent d’établir les relevés topographiques permettant d’établir de nouvelles cartes d’état-major, Gourdon explora à partir de 1876 les montagnes d’Aran et des Encantats, rarement pénétrées avant lui, et dont il fut le premier à révéler les sauvages beautés. Gourdon (1847-1941) publia nombre d’articles traitant de ses expéditions en Catalogne dans l 'Annuaire du Club Alpin Français et le Bulletin de la Société Ramond. Féru de photographie, technique encore balbutiante, il partait systématiquement en expédition avec l’harnachement de l’époque, chambre noire portative, plaques, trépied et accessoires appropriés. Considéré aujourd'hui comme l’un des premiers photographes de la haute montagne pyrénéenne, au même titre que ses confrères et amis Trutat, Régnault, Lourde-Rocheblave et Le Bondidier, Gourdon réalisa au cours de sa longue carrière plus de 600 photographies et diapositives de la chaîne pyrénéenne.