Ascension du Cotiella par la Ribereta (2.912 m)

Accès routier  : De Bielsa, descendre la vallée en direction d’Ainsa puis à Salinas de Sin prendre à gauche la direction de Plan et du Parque Natural Posets-Maladeta. La route s’enfonce dans le val de Chistau où coule la Zinqueta, affluent de la Cinca. Cinq kilomètres plus loin, bifurquer à droite vers Saravillo. Traverser le hameau puis suivre la piste forestière qui se dirige globalement vers l'Ouest et le collado de Ibón (panneau indicateur GR 15 Basa de la Mora). Au bout de deux kilomètres, alors que la piste s'oriente au Sud, laisser l'embranchement qui mène au collado de Santa Isabel et poursuivre vers l'Est. La piste traverse le barranco de Gallinés puis grimpe sec dans la forêt, atteint en 12 kilomètres le refuge de Lavasar. L'état passablement dégradé de la piste la destine aux seuls 4 x 4. Départ à 1.920 m.

Dénivelée  : 1.150 m.

Horaire  : 6 à 7h A & R.

Difficulté  : Loin des bases d’ascensions classiques, réputé pour son âpreté et sa complexité, le massif du Cotiella est à peine plus fréquenté qu’à l’époque russellienne, ne s’y hasardent que les aficionados d’une montagne secrète et préservée, conscients de la topographie du terrain, de l’importance des dénivelées, de la rusticité des refuges, des rares possibilités de bivouac et du cruel manque d’eau. Non que les difficultés soient rédhibitoires, mais mieux vaut être apte à s’orienter en milieu karstique, accoutumé aux ruptures de niveau et à la traversée d'interminables clapiers. Course fortement déconseillée en cas de brouillard. L'ascension du Cotiella par le vallon suspendu de la Ribereta, qui se déroule hors sentier, nécessitant 3 à 4 heures (hors pauses), il est recommandé de partir à l’aube. Le refuge non gardé de Lavasar offre la possibilité de partir quasiment à pied d’œuvre. Admirablement situé au bord de la Cinqueta, le camping Los Vivés à Saravillo est également une alternative. Prévoir de l’eau en conséquence.

Cartographie  : Carte n°5 au 1 : 40.000 des Editions Pirineo nantie d'un livret explicatif (Bielsa - Bal de Chistau)

Prendre à côté du refuge de Lavasar le GR 15 qui mène à Barbaruens. Balisé rouge et blanc, il descend dans la forêt de pins, traverse plusieurs ruisseaux (où il est préférable si ce n'est déjà fait de remplir sa gourde) puis débouche sur une vaste clairière : la basa de la Mora, aire de pique-niques et but de sorties du Centre équestre de Saravillo.

L'ibon de Plan s'étend sur la droite, encadré par les murailles ocrées du massif de la Cotiella qui surplombent de plus de 800 m cet ampithéâtre naturel. Les forêts de confinères qui se reflètent à la surface de l'eau, les pelouses verdoyantes évoquent les montagnes rocheuses canadiennes. On ne serait pas autrement supris de voir surgir une harde de caribous ou un grizzly. Tôt le matin, il n'est pas rare de voir une harde d'isards batifoler dans ce sanctuaire miraculeusement préservé, la piste dissuadant les véhicules de tourisme de s'y aventurer. En 1865, lorsque Henry Russell s'aventura dans ces régions désolées sévissaient encore des loups, des ours... et des bandits de grand chemin.

Suivre la sente qui contourne le lac par la droite, elle traverse un bosquet entrecoupé de pierriers et atteint le fond du cirque, occupé par une pelouse marécageuse irriguée par les nombreux ruisselets suintant de la crête d’Armeña. Derrière nous se découpent les silhouettes hardies des puntas Fulsa & Suelza.

Au niveau d’un cairn, s’élever à droite en direction d’une rampe de cailloutis sablonneux encadrée par deux gros piliers de grès jaunâtre.

La pente s’accentue en même temps que la rampe s’étrécie. Plus haut, elle se transforme en un véritable toboggan qui, toutes proportions gardées, fait penser au Canal de Cabacherizas de la peňa Telera.

Contourner un gros bloc erratique occupant le haut du couloir et se faufiler entre les parois, en s’aidant au besoin des mains.

On atteint un replat rocheux (2.335 m), d’où on peut observer le point névralgique de la course : une corniche qui longe les falaises puis remonte un talus mi-herbeux mi-rocheux. Sans être difficile, le passage réclame un minimum d’attention, le terrain est croulant et le gaz palpable. Un cairn indique la voie.

On accède à un superbe promontoire offrant une vue plongeante sur l’ibón de la Mora. En toile de fond, la crête del Medioda et les puntas Fulsa & Suelza.

Descendre vers l’orée de la Ribereta Ciega (2.255 m), vallon suspendu où s’accumulent les décombres tombés des murailles de la crête d’Armeña, dont le cirque éponyme se trouve sur l’autre versant.

On navigue dans un univers minéral où achèvent de fondre les névés tapissant le talweg. Sous l’œil d’un couple de vautours, une douzaine de chèvres semi sauvages arrache sa pitance aux rares touffes d’herbe qui émaillent la caillasse.

Une sente, plus ou moins bien tracée, serpente au fond de la combe et en épouse les montagnes russes. L’itinéraire a été balisé par nos soins en 2018.

On arrive au pied du pic de Las Coronas puis du pico d’Espouy.

On parvient laborieusement au col de la Ribereta (2.560 m), où on rejoint l’itinéraire de Lavasar.

Face à nous, le pic de Las Coronas. La longue entaille qui balafre sa face Ouest, nommée Grande Diagonale, est une voie AD prisée par les amateurs d’hivernales pour gravir le pic d’Espouy.

Du col, se diriger hors cairn à travers le chaos lapiazé qui s’étend à l’Ouest du col en visant une trace dans la pierraille. Elle vient buter sur la falaise blanchâtre d’aspect rébarbatif qui borne la vue.

Le seul ascenseur disponible est une vire étroite et caillouteuse qui s’élève en oblique de gauche à droite. Son escalade, facile mais limite exposée (40 à 50 m de gaz), s'effectue sur une roche délitée. Rien de méchant mais impressionnant à la descente.

Le collado de la Pala del Puerto (2.610 m) donne accès à la mystérieuse Ereta de las Brujas, lieu où les sorcières se se livraient à des bacchanales sur lesquelles mieux valait fermer les yeux.

Le comte Russell, qui réalisa la première du Cotiella en 1965, décrivit ainsi l’Ereta de las Brujas : « Cet horizon de pierres, où l'on chercherait en vain un gros rocher ou l'arbrisseau le plus microscopique, a l'air uni. En réalité, il est coupé de ravins parallèles, comme l'océan dans une tempête, et comme la profondeur de ces ravins va quelquefois jusqu'à 40 ou 50 m, on triple au moins la route pour y arriver. C'est un pays vraiment maudit. La voix du vent lui-même a quelque chose de sombre et de fatal sur ces plateaux inhabitables où un chameau pourrait mourir de soif, et qui doivent ressembler aux déserts tourmentés de la lune. »

Descendre versant Sud en perdant environ 150 m de dénivelée pour traverser cette vaste étendue de vagues de calcaire pétrifiées.

Bien se répérer pour ne pas manquer au retour le collado de la Pala del Puerto.

L’itinéraire se faufile entre de nombreux gouffres répertoriés par les spéléologues.

Le sommet est désormais bien visible au Sud-Est, mastodonte à la carapace aussi plissée que celle d’un pachyderme fossilisé.

On s’écarte d’un bastion du pico de La Ribereta puis du Pico d’Espouy, dont les flancs sont percés d’énormes grottes, jadis tanières des sorcières, aujourd'hui résidences secondaires des vautours.

Pas de sorcière en vue, sans doute faut-il attendre Halloween pour les voir enfourcher leurs balais. Les ont remplacées d’inoffensives créatures aux pieds fourchus et au crâne cornu, qui se bousculent pour bénéficier d’une place à l’ombre. Quant aux bergers, ils répondent aux abonnés absents, peut-être attendent-ils que la chaleur décline pour distribuer du sel à leurs ouailles.

Le soleil règne en maître sur cette contrée désertique où on serait en peine de trouver une source. Voir un torrent ou une cascade ici relèverait du mirage.

Après moult zigzags dans le dédale de las Brujas, on se rapproche des murailles pour gagner le pied d’une énième rampe pentue et gravillonneuse à souhait (2.450 m).

On accède à la Colladeta, vaste selle cotée 2.710 m d’où on surplombe au Sud le vallon désolé de las Neis, qui s'étend jusqu'au col de Cullibert.

Attaquer l’ultime raidillon en se fiant à la sente qui grimpe en écharpe dans la caillasse et évite des affleurements rocheux. On prend enfin pied sur le dôme sommital, marqué par une borne géodésique décapitée par la foudre. On y trouve également une plaque commémorative à la mémoire du pyrénéiste Raymond d'Espouy, tombé sous le charme de ce massif atypique.

« C’est certainement un des observatoires les plus grandioses des Pyrénées, écrivait Russell en 1865, et cela, pour trois raisons : son isolement, sa grande hauteur, et sa distance de la chaîne principale, qui fait panorama au Nord sur une longueur de trois cents kilomètres. Il est si près des plaines, qu’en suivant les vallons qui en rayonnent au Sud, on descendrait en quelques heures de 2.200 mètres. »

Panorama d’Ouest en Est : Tendeñera, Suca, Mont-Perdu, Robiñera, Munia, Fulsa, Suelza, Bachimala, Batoua, Bagueña, Posets, Sauvegarde, Perdiguère, Maupas, Maladeta, Aneto, Russell, Castanesa, Ballibierna, Montardo, Besiberri, Punta Alta, Turbon, et, plus près de nous, la sierra Ferrera et la Montañesa, le Sestrales, le Castillo Mayor, les puntas Llerga, la peňa de Las Once, le pico de Chia, le pic d’Espouy et celui de Las Coronas.