Ascension du Cotiella par le barranco de Lavasar (2.912 m)

Il faut voir le Cotiella du Mont-Perdu, au déclin du soleil, pour se faire une idée de l’étrange beauté qui le distingue au milieu des Pyrénées. Plus le soleil descend, plus la montagne s’illumine jusqu’au moment où elle se profile sur le ciel comme un entassement d’or mat, coupé d’ombres bleues.

Franz Schrader, Pyrénées Courses & ascensions

Accès routier  : De Bielsa, descendre la vallée en direction d’Ainsa puis à Salinas de Sin prendre à gauche la direction de Plan et du Parque Natural Posets-Maladeta. La route s’enfonce dans le val de Chistau où coule la Zinqueta, affluent de la Cinca. Cinq kilomètres plus loin, bifurquer à droite vers Saravillo. Traverser le hameau puis suivre la piste forestière qui se dirige globalement vers l'Ouest et le collado de Ibón (panneau indicateur GR 15 Basa de la Mora). Au bout de deux kilomètres, alors que la piste s'oriente au Sud, laisser l'embranchement qui mène au collado de Santa Isabel et poursuivre vers l'Est. La piste traverse le barranco de Gallinés puis grimpe sec dans la forêt, atteint en 12 kilomètres le refuge de Lavasar. Environ 1.200 m en aval, garer son véhicule dans un virage au niveau d’un pancarte indiquant El Monticiello La Fuen Fria. L'état passablement dégradé de la piste la destine de préférence aux 4 x 4. Départ à 1.890 m.

Dénivelée  : 1.200 m.

Horaire : 8 à 9 heures A & R.

Difficulté : Loin des bases d’ascensions classiques, réputé son âpreté et sa complexité, le massif du Cotiella est à peine plus fréquenté qu’à l’époque russellienne, ne s’y hasardent que les aficionados d’une montagne secrète et préservée, conscients de la topographie du terrain, de l’importance des dénivelées, de la rusticité des refuges, des rares possibilités de bivouac et du cruel manque d’eau. Non que les difficultés soient rédhibitoires, mais mieux vaut être apte à s’orienter en milieu karstique, accoutumé aux ruptures de niveau et à la traversée de malcommodes clapiers. Escalade facile au col de la Ribereta. Course fortement déconseillée en cas de brouillard. L'ascension du Cotiella par le barranco de Lavasar nécessitant 4 à 5 heures (hors pause), il est préférable de partir à l’aube ou de dormir au refuge non gardé de Lavasar. Admirablement situé au bord de la Cinqueta, le camping Los Vivés à Saravillo est également une alternative. Prévoir de l’eau en conséquence.

Cartographie  : Carte N°5 au 1 : 40.000 des Editions Pirineo nantie d'un livret explicatif (Bielsa, Val de Chistau).Carte de randonnées au 1 : 25.000e Alpina Cotiella/Peña Montañesa.

BibliographieHenry Russell : Souvenirs d’un montagnard (Editions Pyrémonde, 1999). Alain Bourneton : Les grandes Pyrénées (Éditions Glénat, 1995). Raymond Ratio & Louis Audoubert : 50 balades et randonnées dans le Haut Aragon (Editions Milan, 1995). Franz Schrader : Pyrénées Courses & ascensions (Éditions Pyrémonde, 2005). Et aussi : www.kdtoulouse.free.r/cotiellaphotos.htm, superbe site sur le massif du Cotiella.

Suivre le large chemin forestier utilisé autrefois pour convoyer les troncs d’arbres. Partiellement recouvert par l’herbe, bordé de hauts conifères, il file Sud-Ouest, passe près d’une vieille barrière.

On surmonte des buttes d’herbes où les isards aiment petit-déjeuner, sort momentanément du bois de las Mardaneras pour traverser un champ d’éboulis et contourner par la droite les contreforts de la Peňa Roya (2.055 m).

Une demi-heure après le départ, quitter le chemin principal barré par une ligne de gros galets blancs et enfiler à gauche entre deux cairns un sentier en sous-bois qui s’oriente plein Sud (2.030 m).

On épouse les amples accidents du relief, puis longe un éperon de la Peňa de Monticiello ou Pico Lavasar (2.380 m).

Au sortir des frondaisons, on enchaîne avec une succession croupes rocailleuses parsemées de sapins avant de rejoindre l’orée du barranco de Lavasar, immense peyrade encadrée de parois ravinées par les intempéries.

Les amateurs d’ambiances minérales se sentiront ici dans leur élément, au fond du talweg s’amassent des tombereaux de pierres malcommodes à négocier. Simple avant-goût de ce que nous réserve la suite.

Une sente épisodiquement cairnée se faufile dans la caillasse. L’orientation ne pose pas problème, on distingue au Sud-Est les fameuses Aiguilles de Lavasar, éclaboussées d’or par les premiers rayons du soleil. À leur gauche, la crête déchiquetée de la Peňa de la Una (ou Puntons Royos), qui nous sépare de la Basa de la Mora.

Au terme d’une sévère jonchée de cailloutis, on atteint un col coté 2.380 à la base des Aiguilles, qui n’ont d’aiguilles que le nom tant elles sont émoussées, délabrées, truffées de cavités où semblent tapis les démons de l’érosion.

Laisser à droite le minuscule ibonet de Lavasar et poursuivre dans l’axe du talweg, le vallon de rocailles concassées, épreuve casse-pattes qu'on peut éviter en grimpant à droite et en suivant à l'estime le fil de la crête. Au risque et péril de l'utilsateur.

On parvient laborieusement au col de la Ribereta (2.560 m), où on rejoint l’itinéraire de la Ribereta Ciega. .

Face à nous, le pic de Las Coronas. La longue entaille qui balafre sa face Ouest, nommée Grande Diagonale, est une voie AD prisée par les amateurs d’hivernales pour gravir le pic d’Espouy.

Se diriger hors cairn à travers le chaos lapiazé qui s’étend à l’Ouest du col en visant une trace dans la pierraille. Elle vient buter sur la falaise blanchâtre d’aspect rébarbatif qui borne la vue.

Le seul ascenseur disponible est une vire étroite et caillouteuse qui s’élève en oblique de gauche à droite. Son escalade, facile mais limite exposée (40 à 50 m de gaz), s'effectue sur une roche délitée. Rien de méchant mais impressionnant à la descente.

Le collado de la Pala del Puerto (2.610 m) donne accès à la mystérieuse Ereta de las Brujas, lieu où les sorcières se se livraient à des bacchanales sur lesquelles mieux valait fermer les yeux.

Le comte Russell, qui réalisa la première du Cotiella en 1965, décrivit ainsi l’Ereta de las Brujas : « Cet horizon de pierres, où l'on chercherait en vain un gros rocher ou l'arbrisseau le plus microscopique, a l'air uni. En réalité, il est coupé de ravins parallèles, comme l'océan dans une tempête, et comme la profondeur de ces ravins va quelquefois jusqu'à 40 ou 50 m, on triple au moins la route pour y arriver. C'est un pays vraiment maudit. La voix du vent lui-même a quelque chose de sombre et de fatal sur ces plateaux inhabitables où un chameau pourrait mourir de soif, et qui doivent ressembler aux déserts tourmentés de la lune. »

Descendre versant Sud en perdant environ 150 m de dénivelée pour traverser cette vaste étendue de vagues de calcaire pétrifiées.

Bien se répérer pour ne pas manquer au retour le collado de la Pala del Puerto.

L’itinéraire se faufile entre de nombreux gouffres répertoriés par les spéléologues.

Le sommet est désormais bien visible au Sud-Est, mastodonte à la carapace aussi plissée que celle d’un pachyderme fossilisé.

On s’écarte d’un bastion du pico de La Ribereta puis du Pico d’Espouy, dont les flancs sont percés d’énormes grottes, jadis tanières des sorcières, aujourd'hui résidences secondaires des vautours.

Pas de sorcière en vue, sans doute faut-il attendre Halloween pour les voir enfourcher leurs balais. Les ont remplacées d’inoffensives créatures aux pieds fourchus et au crâne cornu, qui se bousculent pour bénéficier d’une place à l’ombre. Quant aux bergers, ils répondent aux abonnés absents, peut-être attendent-ils que la chaleur décline pour distribuer du sel à leurs ouailles.

Le soleil règne en maître sur cette contrée désertique où on serait en peine de trouver une source. Voir un torrent ou une cascade ici relèverait du mirage.

Après moult zigzags dans le dédale de las Brujas, on se rapproche des murailles pour gagner le pied d’une énième rampe pentue et gravillonneuse à souhait (2.450 m).

On accède à la Colladeta, vaste selle cotée 2.710 m d’où on surplombe au Sud le vallon désolé de las Neis, qui s'étend jusqu'au col de Cullibert.

Attaquer l’ultime raidillon en se fiant à la sente qui grimpe en écharpe dans la caillasse et évite des affleurements rocheux. On prend enfin pied sur le dôme sommital, marqué par une borne géodésique décapitée par la foudre. On y trouve également une plaque commémorative à la mémoire du pyrénéiste Raymond d'Espouy, tombé sous le charme de ce massif atypique.

« C’est certainement un des observatoires les plus grandioses des Pyrénées, écrivait Russell en 1865, et cela, pour trois raisons : son isolement, sa grande hauteur, et sa distance de la chaîne principale, qui fait panorama au Nord sur une longueur de trois cents kilomètres. Il est si près des plaines, qu’en suivant les vallons qui en rayonnent au Sud, on descendrait en quelques heures de 2.200 mètres. »

Panorama d’Ouest en Est : Tendeñera, Suca, Mont-Perdu, Robiñera, Munia, Fulsa, Suelza, Bachimala, Batoua, Bagueña, Posets, Sauvegarde, Perdiguère, Maupas, Maladeta, Aneto, Russell, Castanesa, Ballibierna, Montardo, Besiberri, Punta Alta, Turbon, et, plus près de nous, la sierra Ferrera et la Montañesa, le Sestrales, le Castillo Mayor, les puntas Llerga, la peňa de Las Once, le pico de Chia, le pic d’Espouy et celui de Las Coronas.