Faja de l'Escuzana (2.848 m)

Accès routier  : À Gavarnie, prendre la route qui mène au col de Tentes, où on laisse le véhicule. Départ à 2.210 m.

Dénivelée  : 1.300 m environ compte-tenu des pertes de niveaux.

Horaire  : 8 à 9 h.

Difficulté  : Profiter d’une belle journée d’été pour entreprendre cette course plus longue qu’il n’y paraît, réservée aux randonneurs expérimentés. Tronçons hors sentier, rampes d’éboulis pour accéder à la Forqueta del Gabieto et au Cuello Blanco. Prévoir provision d’eau conséquente.

Cartographie : Carte Pirineo N°4 au 1/40.000e Parque Nacional de Ordesa y Monte Perdido. Carte Rando éditions N°4 au 1/50.000e Bigorre.

Bibliographie : Louis Audoubert : Les plus beaux sommets pyrénéens (Éditions Milan, 1998)

Le secteur abonde en trop de cimes prestigieuses pour que l’Escuzana ne fasse pas figure de parent pauvre. Jugé subalterne, dédaigné des pyrénéistes de la grande époque, il serait rarement visité si sa faja – plus secrète et plus sauvage que la fameuse vire des Fleurs qui ceinture le Gallinero – n’alléchait une poignée de randonneurs éclairés. Invisible de Gavarnie, l' Escuzana ne se distingue nettement que du Taillon et du Gabiétou, d’où il apparaît aussi « hardi qu’une flèche de cathédrale », selon la belle expression de Franz Schrader. Des autres sommets du Cirque, il est écrasé par les masses gréseuses du Taillon, des Gabiétous et du Pico Blanco, pointe occidentale du massif calcaire, et offre l’aspect d’une vulgaire colline. De Torla, il a bien meilleure allure, son cône s’érige au-dessus de la muraille de la Gatera, aussi hautain que lointain.

Des deux côtés de la frontière, sa dénomination prête à confusion : Escuzana ou Mondarruego ? Il a été nommé Monte-Arruego par les géodésiens lors de leur campagne de 1787, et cette erreur lui colle encore à la peau : sur les cartes actuelles, ainsi celles de Rando Éditions (données IGN) et d’Alpina, il porte le nom de son voisin occidental, le Mondarruego (2.667 m). Sur la carte espagnole Pirineo, souvent préférable à ses collègues françaises en qui concerne la topographie et la toponymie du versant méridional, il figure sous le nom d’Escuzana. Au XVIIIe siècle, il était connu des bergers des vallées de la Canau, de Pouey-Aspée et des Espécières sous le nom d’Escoussane. Les cartographes n’en ont pas tenu compte.

L’itinéraire proposé est celui suivi le 9 septembre 1878 par Alphonse Lequeutre et Henri Passet lors de la première ascension connue de l’Escuzana. N'hésitons pas à le dire, ce circuit, dont le retour s'effectue par la Brèche, est l'un des plus beaux que l'on puisse réaliser à partir de Boucharo.

Le départ de la course ne brille pas par son évidence. Du port de Boucharo, descendre d’une trentaine de mètres à l’écart du chemin qui conduit à Bujaruelo en suivant un sentier parallèle qui jouxte l’éperon des Tourettes. Avec un peu de flair, on trouve, au pied d’un énorme monolithe fissuré, une cheminée peu inclinée, haute d’une quinzaine de mètres, que l’on escalade pour rejoindre la sente en balcon qui file Sud-Ouest vers l’élégant Pico Ezcusaneta (2.735 m), reconnaissable à ses stratifications verticales.

Dès lors le sentier est bien tracé et pourvu de cairns. On progresse dans une vaste peyrade sans ne guère prendre d’altitude, laissant à gauche des remparts grisâtres en voie d’effondrement.

Les jalons nous orientent vers le sombre ravin de la Forqueta, jonché de décombres de tout calibre et fermé à l’Est par une crête déchiquetée. Après sa traversée, gravir le roide couloir de gravats qui dessert la double brèche de la Forqueta (2.520 m), encadrée par des protubérances au profil de gargouilles. La pyramide de l’Escuzana se dévoile au regard, nimbée de bronze par les rayons du soleil levant.

La descente des barres rocheuses vers la combe qui s’ouvre à la base de l’arête Sud-Ouest des Gabiétous comporte quelques passages délicats à négocier. Se fier aux cairns qui subsistent.

Au fond du vallon, on s'oriente à droite pour récupérer la faja, vire en corniche qui serpente le long de murailles ruisselantes, ondule au gré des banquettes, se faufile sous des surplombs, joue avec le relief, l’ombre et la lumière. Isards et bouquetins ont dû frayer la voie.

Le chemin de ronde est large, et même s’il domine des à-pics de plus 500 mètres, on n’éprouve pas la sensation de vertige. La vue sur le massif Fenes-Otal-Tendenera, la vallée de Torla accapare toute l’attention. Derrière nous, le glacier du Vignemale s’embrase telle une coulée de lave.

A la fin de la faja, sous un surplomb, on vient buter sur le petit « mur Passet », qui nécessite la pose des mains.

On débouche au pied de la vasque d’éboulis qui tombent des flancs de l’Escuzana dont on atteint aisément le puerto (2.730 m). Remonter la crête facile à droite pour gagner la cime.

Pause contemplation de rigueur. Gabiétous, Taillon, Pico Blanco, Pointe Bazillac, Marboré, Cylindre, Mont-Perdu, Soum de Ramond, Salarous, Gallinero, Tozal del Mallo, Otal, Tendenera, vallées d’Ordesa, de Torla & d’Ara.

De retour au col, emprunter la trace qui dégringole dans le pierrier versant Est, l’abandonner au niveau d’un lapiaz où des isards peu farouches se remplissent la panse de plantes vivaces et de graminées.

Traverser la lagune asséchée de la Catuarta ou Llanos de Salarons (2.425 m) en visant la grande rampe herbeuse qui longe les escarpements du Pico Blanco. On retrouve à mi-hauteur un itinéraire cairné qui serpente à travers un chaos de gros blocs et de cailloutis. Passage abrupt dans un défilé rocheux en contrebas de la crête des Gabiétous.

Collado Blanco (2.836 m). Poursuivre vers l’Est la sente qui navigue entre calcaire et grès, contourne les sentinelles méridionales du Taillon. On reconnaît bientôt le Doigt de la Fausse Brèche, la Pointe Bazillac et enfin la Brèche de Roland (2.807 m).

La silhouette martiale du Casque du Marboré, formidable sous cet angle, domine l’horizon au point de faire de l’ombre au Mont-Perdu qui, dépouillé de son névé, ressemble à un roi nu. La première ascension avérée du Casque (3.006 m) est celle d’Henry Russell et d’Hippolyte Passet en 1868, qui y trouvèrent une tourelle, édifiée par qui : des chasseurs, des carabineros, des contrebandiers ?

On cède un peu d’altitude pour récupérer au niveau d’un replat sablonneux le sentier en provenance du plateau de Sumidero qui s’élève dans la caillasse. On passe auprès d'une anfractuosité clôturée d’un muret de pierres sise à l’orée de la Brèche à qui l'on a donné le nom de l'abbé Ludovic Gaurier, qui a consacré sa vie à l'étude des lacs pyrénéens.

On arrive à la Brèche de Roland, où convergent les caravanes de touristes venus du Taillon ou du refuge des Sarradets, surpeuplé à la belle saison.

De la Brèche, basculer versant Nord, passer auprès du refuge (2.587 m) et regagner Boucharo par la cascade du glacier et le boulevard tracé à la base du Taillon. Vue somptueuse sur le haut du Cirque, Astazou, Marboré, Pics de la Cascade et Crête des Druides.