Historique
Nul ne sait ni ne saura jamais qui a gravi pour la première fois le Soum Blanc des Espécières, nul doute que cette grimpade remonte à la préhistoire tant les difficultés d’accès sont minimes, et un chasseur ou un berger familier des lieux devait trouver là un observatoire de choix. Le premier à avoir mentionné les Espécières et à vanter l’incomparable point de vue qu’il offre sur le Cirque de Gavarnie n’est autre que Ramond de Carbonnières, le père du pyrénéisme, lors d’une excursion à visée géologique et botanique entreprise durant l’été 1798 avec son ami Saint-Amans. « Je ne connais aucune position d’où l’aspect du Marboré soit aussi frappant, relata-t-il, et je ne connais aucune vue où il y ait plus de ce caractère qui distingue les Pyrénées des Alpes et de toutes les grands chaînes connues. On en jouira d’autant mieux qu’on en aura moins prévu le développement. Pour cela, il faut passer par le vallon des Espécières, plutôt que par le port de Gavarnie [Boucharo]. Cette route a d’ailleurs un intérêt particulier : on ne s’attend pas à trouver dans une pareille région, des formes si adoucies, une verdure si riante, des eaux si pures, des sites si frais et si tranquilles ; et on s’attend encore moins à rencontrer sur ses derniers étages, aux frontières même de l’Espagne, un grand lac de forme régulière, bordé de gazon, enfermé dans un bassin où l’on ne voit que le ciel et lui. Il ne faut qu’un instant pour sortir de cette paisible enceinte qui semble aux limites du monde. On monte au sommet d’une des collines qui l’entourent, et cette colline se trouve être une des hautes montagnes des Pyrénées : on se voit tout à-coup en face des cimes du Marboré, au niveau du glacier du Taillon, le port de Gavarnie à ses pieds, à droite les monts qui dominent le val de Broto, à gauche ceux qui séparent le cirque de Gavarnie de celui d’Estaubé, au milieu les têtes, les murailles, les brèches, et le regard se promène sans obstacle dans les longues allées de neige qui les séparent. » (Voyage au Mont-Perdu)