Ascension du Gavizo-Cristail (2.890 m)

Accès routier : Arrens, au Sud-Ouest de Lourdes et d'Argelès-Gazost. Prendre la D 105 qui mène au barrage du Tech et au Plaa d'Aste. Dépasser ce dernier et garer le véhicule 1 km plus loin, sur le parking de la Maison du Parc National, terminus de la route. départ à 1.470 m.

Dénivelée  : 1.450 m.

Horaire  : 7 à 8 h A & R.

Difficulté  : Ascension d'une belle ampleur mais sans grosse difficulté à l'exception des pentes sommitales, raides, hors cairn et hors sentier. La première du Gavizo-Cristail a été réalisée en 1851 par le capitaine topographe Henri Saget et son guide Jean Biraben, dit Eschotte, qui s'étaient déjà rendus maîtres de l'Arriel et du pic de Socques.

Cartographie  : Carte N°3 Béarn au 1 : 50.000 de Rando Editions.

Bibliographie : Pierre Maes : 50 randonnées dans les Pyrénées, Arrens-Marsous/Gabas/Gourette/Lescun (Editions L'Astrolabe)

Traverser la passerelle et suivre le sentier bien tracé qui mène au port de la Peyre Saint-Martin, pratiquement visible depuis le départ, voie de passage chargée d'histoire qui a vu défiler d'innombrables caravanes au fil des siècles. « De tous les chemins qui traversent les Pyrénées, écrivait le cartographe Roussel au début du XVIIIe siècle, il n’y a en guère d’aussi mauvais ; il se trouve embarrassé d’une infinité de roches et de pierres que les fontes de neige ont entraînées du sommet des montagnes, surtout depuis le lac de la Gourgue de Suyen aux limites. On n’y passe que dans la belle saison et par un temps fort calme, autrement on courrait le risque de périr dans ledit port et dans la montagne de la Fourque qui lui est supérieure. » Aujourd'hui, le sentier ne présente guère de danger – en période estivale, s’entend. Le parcours débute par un passage en forêt puis surplombe le talweg où court le gave d'Arrens. Attention aux avalanches au printemps, d'énormes pitons rocheux semblent sur le point de s'effondrer, le chemin lui-même disparaît parfois sous les pierriers.

On passe successivement auprès du lac de Suyen, de la cabane et de la cascade de Doumblas puis on atteint le Plaa de Labassa (1.750 m), où tôt le matin s'ébattent des hardes d'isards peu farouches. On distingue à droite les lacets qui grimpent au refuge Ledormeur, du nom du grand pyrénéiste Georges Ledormeur (1868-1952), auteur du célèbre guide dont le premier opus date de 1928.

La remontée du val de Castérie se poursuit, jalonnée de plusieurs "toues", ces abris sous roche utilisés par les bergers, les chasseurs et les colporteurs depuis des temps immémoriaux. Les lacs de Rémoulis (2.020 m) étonnent par leur teinte laiteuse. « L'opacité crémeuse de ces eaux proclame leur origine, expliquait Charles Packe : elles sont produites par la fonte de glaciers qui broient et transforment en poudre impalpable le feldspath de leur lit de granit. »

Le Gavizo surgit au Sud-Ouest, citadelle flanquée de remparts en ruines. La "Crête du Diable", échine dinosaurienne hérissée de cornes, d'aiguilles et autres fourches de granit cuivré, qui relie le Gavizo au pic Soulano, inspire le respect sa traversée a été réalisée en 1927 par la cordée Pierre Abadie et Jean Arlaud.

Plus haut, on rencontre deux grands névés, évitables par une sente latérale, puis aux abords du port on abandonne à gauche l'itinéraire du col de Cambalès. Une cascade se présente. Mieux vaut remplir sa gourde et en profiter pour se rafraîchir car dès lors on ne trouvera plus que de maigres filets d'eau et des mares croupies.

Après trois bonnes heures, on touche enfin à la fameuse borne frontière N°312. Altitude : 2.295 m. De l'autre côté, l'Aragon, le cirque de Piedrafita et les lacs de Campo Plano.

Encadrés entre deux gigantesques monolites de granit rose se profilent les altières pyramides de la punta Zarre, du pic Gaurier, du pic de Piedrafita, du pico de Tebarray et des picos del Infierno. Une pause s'impose. Pas un souffle de vent, température 30°C, au zénith le soleil n'est pas avare de ses rayons, chacun est une flèche qui touche sa cible sans coup férir. Auprès de nous, un lézard se prélasse sur une pierre brûlante, on est tenté de l'imiter. Mais est-ce bien le moment de s'accorder une sieste quand il reste 600 m de dénivelée, ne vaudrait-il pas mieux lâcher prise au retour ?

Le sac à dos bouclé, on traverse le défilé pour descendre d'une centaine de mètres versant espagnol. Au niveau d'un cairn, on contourne un éperon rocheux noirâtre puis on on grimpe vigoureusement Nord-Ouest, en longeant la ravine d'un ruisseau à sec.

Çà et là une vague sente, des amas de cailloux qu'on peut difficilement qualifier de cairns aident à la progression. Sous un soleil de plomb, on atteint un collado coté 2.500 m d'où la cime apparait plâtrée de névés anémiques. Une gorgée d'eau, un rapide tour d'horizon et on repart. La déclivité est sévère, le terrain parfois instable mais sans réelle difficulté : des champs d'éboulis et banquettes arides où s'agrippent des touffes d'herbe rêche et drue... et deux bipèdes en nage.

1 h 30 de grimpe depuis le port de la Peyre et on foule le sommet, crête d'une trentaine de mètres jalonnée de trois tourelles massives et d'une murette datant de l'époque des chasseurs d'isards. Le Gavizo se révèle un belvédère de premier choix non seulement sur la Frondella et le Balaïtous, les Crêtes du Diable et de Costérillou, mais encore les pics d'Enfer, la Grande Fache, le Pène d'Aragon, le Cambalès, le Vignemale et autres pics frontaliers. L'impression de monumentalité est radicale. Le Gavizo est pourtant une cime dédaignée, sous prétexte qu'elle n'atteint pas la cote "3.000". Raison de plus pour lui rendre une visite de courtoisie, nouer un drapeau à prières à son cairn, et contempler avec reconnaissance l'horizon flottant. Quel bonheur pour les passionnés des hautes solitudes : un ciel de pur cobalt, un silence absolu, la magie noire du Balaïtous... "Sur les montagnes, écrit Henry Russell la solitude est enivrante. Qui ne l’aime pas ne sent pas la nature. Sans refroidir le cœur, elle détache des tristesses de la terre : elle fait taire les passions, elle force à regarder le ciel."