Ascension de la peña Montañesa (2.291 m)

Accès routier  : Vallée de Bielsa. Du tunnel descendre la vallée de la Cinca en direction d’Ainsa. Avant Escalona, prendre sur la gauche la route de Laspuña puis celle de Los Molinos, et enfin du monastère de San Victorian, à proximité duquel on gare son véhicule (1.090 m).

Dénivelée  : 1.200 m.

Horaire  : 6 à 7 h A & R.

Difficulté  : Itinéraire de moyenne montagne comportant quelques passages hors sentier, escalade facile en terrain délité. Prévoir de l’eau en conséquence, le seul point d’eau disponible sur le parcours nécessite un léger détour.

Cartographie  : Carte n°5 au 1 : 40.000 des Editions Pirineo nantie d'un livret explicatif (Bielsa, Val de Chistau)

Bibliographie : Alain Bourneton : Les grandes Pyrénées (Éditions Glénat, 1995). Raymond Ratio & Louis Audoubert : 50 balades dans le Haut-Aragon (Éditions Milan, 1995). Voir également le beau site consacré à cette montagne : http://www.kdtoulouse.free.fr/montanesa.htm. Autre blog sur la faja del Toro : http://tracesetcie.blogspot.fr/2011/10/pena-montanesa.html

On peut commencer la journée (ou la terminer) par la visite du monastère, l'un des plus anciens d'Espagne, il fut durant un millénaire le centre culturel et spirituel du Sobrarbe. Il doit son nom à un saint italien, San Victorian de Asàn (ou San Beturiàn), qui au début du VIe siècle parvint non seulement à amener la pluie, rare dans la région, mais – un prodige n'arrivant jamais seul – à faire jaillir de l'eau du sol en le frappant de son bâton. On peut toujours remplir sa gourde à la source qui coule à l’Ermita de la Fuente Santa, en aval du monastère, son eau est sans conteste plus pure que toutes les eaux bénites. Le coffrage de pierre, gravé de diverses inscriptions et motifs symboliques, date de 1692. Une chapelle et une maisonnette ont été construites sur les lieux. Le dernier ermite (Santero) qui a résidé là a déménagé en 1963. Un pèlerinage a lieu le premier dimanche de mai.

La peña Montañesa, point culminant de la sierra Ferrera, longue d’une vingtaine de kilomètres, et qui ne s’abaisse jamais à moins de 1.800 m, s'élève telle la proue d’un gigantesque paquebot calcaire dans le ciel d'Aragon. La voie d'ascension la plus rapide (versant Nord) impliquant l'emprunt d'une médiocre piste forestière puis la pénible remontée d'une gravière (Canal Ancha), nous avons préféré la gravir par le versant Sud, qui dispense des vues spectaculaires sur la vallée d'Ainsa et sa retenue d'eau artificielle, l’embalse de Mediano, 1.700 m plus bas.

« Dans la ligne et l’idée que l’on peut se faire de ces mythiques et mystiques châteaux en Espagne, écrit Bourneton, la Montañesa ressemble à l’un de ces imprenables bastions, partie avancée de certaines de ces œuvres de défense que le délire humain pousse parfois à des paroxysmes vertigineux. Par l’alignement et l’accumulation des verticalités qui la ceinturent, par ces blancheurs chauffées à l’incandescence par les rayons du midi et qui virent aux reflets des cuivres et des ors avec les dernières lueurs du jour, la Montañesa attire, intrigue, retient le regard et défie la témérité. »

Le départ de la rando se situe 500 m avant le monastère, où on trouve une pancarte illustrée d’une maquette de la montagne.

S'engager sous une charmille de pins, de chênes verts, de bouleaux, de hêtres et de noisetiers, franchir une rigole creusée pour alimenter en eau le monastère, traverser un grand ravin d’éboulis avant de prendre de l’altitude sur un terrain aride, où poussent à profusion massifs de buis et d’arizones (ou coussins de belle-mère).

Cette mise en jambes nous amène à la base du synclinal de los Plans, rampe herbeuse parsemée des monceaux de débris tombés des parois.

Vers 1.500 m, une flèche indique à gauche la direction de la faja du Toro, vire vertigineuse, comparable à celle de las Florès dans le canyon d’Ordesa, qui rejoint la voie normale en amont du canal Mayor.

Astucieusement tracé, la sente grimpe sec parmi les buis et les épineux, contourne par la gauche les barres rocheuses du Canal de Naritz puis débouche sur le lieu-dit los Plans, pâturage aujourd'hui déserté (1.900 m).

Vers 2.000 m, laisser largement à droite un pluviomètre, un abreuvoir (source captée) et une cabane à l’abandon.

À partir de là, le sentier s’égare un peu, se fier aux cairns, qui proposent plusieurs variantes.

On poursuit désormais avec la Montanesa en fond d'écran.

On se rapproche des deux entailles qui entament les remparts, le canal Mayor et le canal Bitiguera, séparées par un imposant pilier, el pilar del Sobrabe. Avec un peu de chance, on pourra apercevoir sur leurs pentes une des dernières hardes d'isards qui peuplent la sierra. La vue sur l'embalsie de Mediano est assez bluffante.

S'orienter vers un cimetière d’arbres foudroyés ou déracinés par les avalanches, dont les silhouettes évoquent des squelettes de suppliciés.

S’écarter du bord des falaises pour récupérer une ligne de cairns qui serpente entre les blocs épars et se glisse sous un bosquet de pins à crochet.

Au niveau d'un pin aux racines apparentes, descendre dans une combe caillouteuse. La sente longe les escarpements de la Tuca, au pied d’aiguilles dolomitiques. Ambiance assurée.

Au terme de cette traversée à flanc, remonter une rampe de débris en visant la brèche de la Canal Ancha (2.145 m), entre Montañesa et Tuca.

De cette large échancrure, grimper Nord-Ouest, à gauche de la crête. Après un passage confus, la sente déroule dans une zone chaotique, vaguement lapiazée.

On navigue au sein d'un espace éclaboussé de lumière, un désert de pierres cuites et recuites par le soleil, où la blancheur du calcaire fait ressortir avec éclat l’azur du ciel.

Dans cette fournaise, le règne végétal est sommé de soumettre ou de se démettre, les pins privés d'eau en savent quelque chose.

Passé un ultime ressaut, le terrain s'aplanit et on gagne le dôme sommital, nanti non d'un distributeur de boissons fraîches mais d'une boîte aux lettres conique.

Décalé par rapport à la chaîne axiale, admirablement placé entre le rio Cinca et le rio Esera, face à la chaîne frontalière, l'antique castillo de la Montañesa offre un éventail de perspectives sur tous les grands sommets de la région : Collarada, Castillo Mayor, Tendeñera, Escuzana, Marboré, Mont-Perdu, Robiñera, Munia, Bachimala, Posets, Forqueta, Eriste, Turbon, Tozal de Guara, Puntas Voltaire, Fulsa, Suelza, avec un travelling superbe sur le massif décharné du Cotiella.

La visite d’un autre ermitage, belles fresques, mais très dégradé, s’impose : celui de l’Espelunga, accessible en une heure depuis le monastère par un sentier balisé, raide le long des parois. C'est dans ce nid d’aigle qu’aurait vécu san Victorian, son miracle accompli. Plus à l’Ouest, au-dessus du village de San Juan de Toledo, a été découverte en 1975 la grotte del Forcón (1.320 m), datant du néolithique comme en témoignent les divers artefacts et gravures rupestres trouvés sur place.