Ascension du pic des Posets ou Llardana (3.375 m)

Accès routier : Depuis Venasque, rejoindre le village d'Eriste (1.120 m). Prendre au niveau de la centrale électrique la piste plus ou moins carrossable qui remonte le barranco de la Aigüeta de Grist et se termine au Pla de l'Estallo, à proximité de la hermosa cascada d'Espigantosa (1.525 m). L'été, la piste est interdite aux véhicules de tourisme et un bus assure la navette depuis Eriste (10 € A & R par personne).

Dénivelée  : En raison de l'importance du dénivelé, il est préférable de passer la nuit au refuge Angel Orus. Jour 1 : 600 m depuis le Pla de l'Estallo. Jour 2 : 1.300 m. Départ à 2.095 m.

Difficulté  : Itinéraire sans complication. Crampons et piolet ou bâtons télescopiques recommandés.

Cartographie : Carte Pirineo N°6 au 1/40.000 Parque Posets-Maladeta (carnet explicatif en français). Carte de randonnées au 1 : 50.000 N°23 Aneto-Posets (Rando Éditions);

Bibliographie : Henry Russell : Souvenirs d’un montagnard (Éditions Pyrémonde, 2003) Alain Bourneton : Les grandes Pyrénées (Éditions Glénat, 1995). Alban Boyer & Jésus Pardina : Randonnées dans les Pyrénées aragonaises (Rando Éditions, 1993). Georges Véron : 100 sommets des Pyrénées (Rando Editions, 2002)

Du Pla de l'Estallo, suivre le PR 36, balisé blanc et jaune qui mène au refuge Angel Orus ou del Forcau par le Paso del Oso (2 h). La bâtisse a été construite en 1981 et nantie d’une terrasse en 1999. Ne pas s'attendre à la Wifi, des repas gastronomiques, des sanitaires nickel ou des matelas en Bultex, on donnerait plutôt dans le minimum syndical.

Du refuge, prendre le GR 11.2 en direction du col de la Forqueta ou d'Eriste. Le sentier balisé rouge et blanc grimpe en balcon rive droite du barranco de Llardaneta, franchit une passerelle littéralement pliée en deux par un éboulement, longe les falaises orientales de la Forcau Baixo.

Une centaine de mètres plus loin (2.380 m), laisser à droite, le sentier qui traverse le rio de Llardaneta et mène au col de la Plana et au vallon de Perramo, et s'élever Nord-Ouest sur le GR 11.2 qui chevauche allègrement des banquettes granitiques rabotées par les glaciers du quaternaire.

Traverser le rio de Llardaneta à gué et, à l’embranchement suivant, signalé par un cairn (2.560 m), quitter l’itinéraire du col de la Forqueta pour suivre le sentier évident qui grimpe au Nord dans un terrain moins accidenté.

A mesure que l'on prend de l'altitude, le granit cède la place à des schistes feuilletés et autres roches métamorphiques. Se diriger vers le large couloir encadré par deux énormes pitons rocheux : celui de droite, la Tuca Alta, est coté 2.895 m ; celui de gauche, anonyme, pointe à 2.975 m.

Le sentier nous amène à la base du défilé (2.630 m) : la Canal Fonda ou Rue Royale. Une page d'histoire ici s'impose. En juillet 1875, Henry Russell, accompagné du guide Firmin Barrau, réussit la première ascension du Posets par l’Est, autrement dit par la région des gouffres ou Llardana. Quelques semaines plus tard, François de Chantérac, alléché par le récit fait par Russell de son périple, engagea le jeune Célestin Passet, pour tâter du Llardana. L’affaire fut rondement menée et le Posets une nouvelle fois foulé. Afin de varier les plaisirs, le binôme redescendit par la crête Sud jusqu’à la selle de la Dent de Llardana, dévala un pentu couloir occupé par des névés persistants : la Canal Fonda. De retour à Luchon, Chantérac s’en ouvrit à Russell qui lui apprit que cette voie, connue des chasseurs locaux, n’avait été parcourue par aucun pyrénéiste. Il fallut attendre le 9 août 1883 pour que le docteur Adolphe Mony, son épouse, son ami Bourdage, les guides Pierre et Firmin Barrau, et le porteur Pierre Bajun l’empruntent à la montée. En juillet 1914, Henri Brulle, son fils Roger et son ami Henri Motas d’Estreux, le guide Germain Castagné effectuèrent un raid aux Posets qui les amena à redescendre par la Canal Fonda de Chantérac, baptisée à cette occasion Rue Royale par Brulle et ses compères.

S'embarquer sur le névé que l'on va remonter en intégralité.

Jusqu'à la mi-juillet, cette Rue Royale est occupée par plusieurs langues de neige givrée dont l'inclinaison augmente progressivement, et arrive un moment où les crampons s'avèrent nécessaires.

A mi-chemin on est amené à prendre pied sur les rochers de gauche puis un dernier névé nous dépose sur la selle neigeuse (3.010 m) située au pied de la Diente de Llardana (3.095 m), dent de requin géante gravie pour la première fois par Henri Brulle et Germain Castagné en 1913, qui trouvèrent « les gradins amusants à escalader ».

Poursuivre jusqu'au col de la Canal Fonda (3.040 m), où on peut ôter ses crampons. Reste un peu plus de 300 m de dénivelé. Suivre la sente caillouteuse qui grimpe au Nord dans les éboulis. On prend pied sur le dos de la crête à 3.250 m, d'où on surplombe au Nord-Ouest le vallon del Forau de la Neu dominé par la puissante crête des Espadas qui se prolonge sans descendre au-dessous de 3.000 m jusqu’au pic des Pavots et au Tucon Royo.

A partir de là, on ne rencontre aucune difficulté notable, si ce n'est quelques passages d'escalade facile. Les cairns sont nombreux, le cheminement sans équivoque. On évite un énorme rognon par la gauche puis on progresse sur un empilement de schistes cuivrés et concassés, tantôt à gauche tantôt à droite du fil, à pleine crête pour conclure en beauté.

Après 4 heures d'efforts, la récompense se profile à l'horizon et lLes derniers mètres se savourent sans modération.

Au sommet, personne. Un couple d’Espagnols grimpe derrière nous, d’autres ont entamé la descente. Le va-et-vient sur la cime est limité en ce début de saison et cela n’est pas pour nous déplaire.

Séance de photo rituelle et délectation du panorama : Suelza, Mont-Perdu, Batoua, Schrader, Clarabide, Gourgs-Blancs, Seil de la Baque, Perdiguère, Maladeta, Aneto, Ballibierna, Castanesa, Tuca de Perramo, Eriste, Cotiella, difficile de n’être pas comblé.

« D’où vient cette joie profonde qu’on éprouve à gravir les hauts sommets ? écrivait le géographe Elisée Reclus dans La Terre. D’abord, c'est une grande volupté physique de respirer un air frais et vif qui n’est point vicié par les impures émanations des plaines. L’on se sent comme renouvelé en goûtant cette atmosphère de vie ; à mesure qu’on s’élève, l’air devient plus léger ; on aspire à plus longs traits pour s’emplir les poumons ; la poitrine se gonfle, les muscles se tendent, la gaieté entre dans l’âme. Le piéton qui gravit une montagne est devenu maître de soi-même et responsable de sa propre vie. » Assurément, la montagne nous grandit, nous oblige à nous dépasser, nous enseigne à repousser nos limites physiques et mentales. Du même mouvement, elle nous fait prendre la mesure du temps. S’il s’écoule à une vitesse prodigieuse en milieu urbain, en pleine montagne il tourne au ralenti, et nous invite à l’imiter. Alors, simple passant ou montagnard, nous pouvons donner libre cours à nos méditations ou, mieux encore, nous vider l’esprit.