Ascension du Tuc de Ratera (2.862 m)

Accès routier  : De Vielha, accessible depuis Luchon par le col du Portillon, prendre la direction du port de la Bonaïga, dépasser Arties (camping au bord de la Garona) puis à Salardu emprunter à droite la petite route qui remonte la vallée d'Aiguamox sur 10 km et mène aux Banhs de Tredos. Vaste parking face à l'hôtel. Départ à 1.725 m.

Dénivelée  : 1.200 m. En passant une nuit au refuge de Colomèrs, le dénivelé se répartit sur 2 jours : J1) 450 m J2) 750 m.

Horaire : 8 à 9 h A & R.

Difficulté : Bien visible du refuge, la silhouette hardie du Tuc de Ratera interpelle d’emblée le montagnard. Sa crête découpée, ses murailles ravinées, les névés résiduels qui tapissent ses flancs lui donnent fière allure. Son ascension ne présente guère de difficulté, si ce n’est, en début de saison, la remontée de névés peu pentus et un peu d'escalafe pour conclure. Balisage restreint au niveau du lac Obago.

Cartographie : Carte de randonnées au 1 : 25.000e Aiguëstortes i Estany de San Maurici (Alpina Éditions).

Bibliographie : Georges Véron : 100 sommets des Pyrénées (Rando Editions, 2002). Didier Castatgnet : 100 sommets des Pyrénées (Rando Editions, 2007). Miguel Angulo : Pyrénées 1.000 Ascensions Tome V : Du val d'Aran à l'Andorre (Éditions Elkarlanean, 2001).

Du parking, prendre le large chemin qui file plein Sud en direction de la forêt de conifères.

Au bout d’un ¼ d’heure, on sort momentanément des bois au niveau d’une cascade puis on dépasse la cabane d’Aiguës Tortes avant de franchir le torrent Clot deth Frare et ses affluents sur plusieurs passerelles.

On s’enfonce dans le vallon ombragé d’Aigües Tortes en suivant un chemin agréablement tracé à proximité de l’Aiguemog.

À 1.860 m, au niveau d’un replat (pont dera Montanheta), il se rapproche de la piste qu’il longe jusqu’à la cote 2.000. Les clairières se font plus nombreuses, la pente plus raide, à découvert le soleil ne répond pas aux abonnés absents.

La montée se poursuit sans temps morts jusqu’à l’estanh dera Lossa puis le sentier s’élève au Sud-Ouest entre de hautes falaises jusqu’au barrage, où on découvre l’estanh Major de Colomèrs, d’une superficie de 15 ha.

Niché au Sud-Est du val d’Aran, à la lisière du parc national Aiguëstortes i Estany de San Maurici, le cirque lacustre d’origine glaciaire de Colomèrs a été baptisé ainsi en hommage à l’ingénieur tarbais Charles Colomèrs, qui l’a exploré en 1838. On y dénombre une demi-douzaine de pics d’une altitude supérieure à 2.700 m, dont le Gran Tuc de Colomèrs (2.934 m), point culminant du massif. Maurice Gourdon et son guide Barthélemy Courrège en firent l’ascension en 1880. Composée essentiellement de granit, la contrée renferme une kyrielle de lacs ou estanhs de toutes formes, tailles et teintes, qu’encadrent des pinèdes, des pelouses verdoyantes ou des tourbières. Rhododendrons, gentianes, renoncules et lys en font presque un jardin d’agrément, et à l’étage supérieur il n’est pas rare de voir détaler une harde d’isards, ni passer un couple de vautours fauves. Les grands pics sont défendus par un relief tourmenté dû à l’érosion glaciaire et aux éboulements qui donne au visiteur la rare occasion de pérégriner dans une nature restée aussi sauvage (barrages et refuges exceptés) qu’à la veille de son exploitation forestière et hydro-électrique au début du XXe siècle. Un pur enchantement.

Traverser le barrage, contourner la bâtisse désaffectée ayant servi aux ouvriers puis de refuge jusqu’en 2006 puis filer la sente qui mène au nouveau refuge (2.325 m). On pose avec soulagement le sac, on ôte ses chaussures et, après avoir salué le gardien, on s’offre une boisson fraîche en dégustant un tour d’horizon bien frappé. Vue admirable sur le Cirque et ses grands pics, de gauche à droite : Sendrosa, Ratera, Tuc de Colomèrs, Tuc Blanc, Creu de Colomèrs, Balaguera, Travessani.

Le lendemain, retraverser le barrage et suivre le GR11 (panneau) qui mène au refuge d’Amitges par le port de Ratera. Il descend légèrement puis après la traversée d’une combe rocheuse remonte au Coret de Clòto, collet coté 2.189 m, d’où la Sendrosa fait forte impression.

On parvient à une croisée des chemins, un panneau indique la direction du port de la Ratera.

Descendre au Sud-Est vers l’estany Long (2190 m) que l’on longe par la droite. La Ratera occupe le fond d’écran, encore bien lointaine.

Passer auprès de l’estanh Redon puis, à travers un relief plus marqué, s’élever vers l’estanh Obago, le plus étendu du Cirque (2.235 m). À son extrémité, ne pas enfiler le sentier qui mène au portau de Colomèrs mais celui, mal indiqué, qui traverse le ruisseau puis s’oriente à l’Est, se faufile sous d’un ressaut (source) vers le vallon de la Ratera.

On grimpe sec pour rejoindre la base des falaises où vient mourir la longue crête qui s’étire de la Sendrosa au Tuc deth Port.

Le vallon se rétrécit, on chemine entre de grands blocs éboulés et de belles aiguilles de grès roux qui achèvent de se délabrer au soleil.

En début de saison, on est amené en à franchir plusieurs névés avant de déboucher au large port de Ratera (2.594 m), à cheval sur la ligne de partage des eaux Atlantique/Méditerranée.

Site splendide : en face de nous, le Gran Tuc de Crabes (2.790 m) et ses Aiguilles ; à l’Est, les estanhs du port, où dérivent des plaques de neige, les puntas d’Estasen qui masquent en partie le Tuc de Saboredo. Sur notre droite, les contreforts de la Ratera, que l’on va prendre en écharpe par le Sud-Est.

Abandonner le GR dont une branche mène au refuge d’Amitges, une autre à celui de San Maurici, et traverser hors sentier un champ de neige ou des pelouses grillées. Un cairn indique le début de la voie.

La sente terreuse s’élève dans des banquettes de granit puis sur un terrain plus escarpé. En reprenant souffle, on peut admirer sur notre gauche la crête déchiquetée du Tuc de Crabes à laquelle on finit par tourner le dos.

Les cairns nous emmènent en 3/4 d'heure à une fourche située entre les pointes de la Ratera, que l’on escalade toutes deux sans problème. La plus élevée se trouve à gauche, une facile arête rocheuse nous en sépare.

Sommet de la Ratera : 2.857 m. Le panorama se montre à la hauteur de sa réputation : du Travessani à la Sendrosa, tous les grands pics du Cirque de Colomèrs se présentent sous leur meilleur jour. Plus loin, à l’Ouest, le Besiberi et l’Aneto ; au Nord-Ouest, le Montardo ; au Nord, le Maubermé et le Valier ; à l’Est, le groupe de Saboredo, au Sud-Est, le Subenuix et le Peguera. Et, à nos pieds, le Cirque de Colomèrs et sa myriade d’estanhs ; au Sud-Sud-Ouest, mille mètres plus bas, derrière le Tuc del Bergús, le vallon de Colomèrs d’Espot, les estanys de san Maurici et le refuge d’Estany Llong. « Un bien qui naît constamment du séjour dans les montagnes, écrivait le pyrénéiste Étienne-Gabriel Arbanère, celui que j’ai le mieux reconnu, le mieux senti, supérieur au plaisir des aventures, au rétablissement de la santé, aux produits de la science, c'est la paix, la force nouvelle que leur contemplation donne à l’âme. » Nul doute que face à cette vue d’avion, il aurait senti une grande sérénité l’envahir, tandis que la vigueur dépensée lors de l’ascension lui reviendrait, augmentée du plaisir de l’avoir accomplie.