Ascension du Salto de Roldan (1.125 m)

Accès routier  : Le Salto de Roldan (Saut de Roland) se trouve à la lisière occidentale du Parc Naturel de la Sierra de Guara. Du col du Pourtalet, descendre sur Sabiñanigo et poursuivre vers Huesca par la N-330. 4 km après l’embalse d’Arguis, quitter la route à Nueno pour prendre une route étroite et sinueuse qui mène à Sabayés puis à l’ermitage de Santa Eulalia de la Peňa. Laisser l’embranchement de l’ermitage et se garer au col suivant sur une esplanade nantie d’un panneau d’information et d’une table d’orientation. Départ à 1.000 m.

Dénivelée  : 130 m.

Horaire : 1 h A & R.

Difficulté : Aucune si ce n’est la remontée de deux échelles de fer (clavijas) arrimées au rocher. Ne pas être sujet au vertige.

Cartographie : Carte Pirineo au 1: 40.000e N°7 Parque de la sierra y los Cañones de Guara.

Bibliographie : Alain Bourneton : Les grandes Pyrénées (Editions Glénat, 1995). André Collin : Voyages en Espagne musulmane (Editions Lulu).

En venant de Sabayés par la route, la peňa de San Miguel du Salto de Roldan capte sans coup férir le regard avec ses allures de nid d’aigle, ses couleurs vieux rose tirant sur l’orangé, ses falaises verticales au-dessus desquelles plane une nuée de vautours. De loin, on ne sait s’il s’agit d’une forteresse en ruine ou d’une œuvre de la nature burinée par les éléments. En s’approchant, on distingue sur le sommet tabulaire les vestiges d’un édifice, preuve qu’elle est moins imprenable qu’elle n’en a l’air. L’ensemble est composé de la peňa de San Miguel ou de Sen, du piton le Fraile et de la peňa d’Amán ou de Men, mallos constitués de conglomérats déposés par le rio Flumen à l’ère tertiaire. Vue de Huesca au Sud, l’entrée du barranco est décrite par Alain Bourneton comme un gigantesque portail dont les piliers encadrent l’impétueux rio Flumen. « Sur une moindre échelle, écrit-il, seuls les sites de Karnak et de Louxor peuvent donner idée du monumental qui préside en ces lieux. »

Suivre le large sentier qui part direction Sud-Est vers l’impressionnante peňa de San Miguel. Il court de niveau sur 300 m avant de s’élever à travers une végétation odoriférante qui tient de la garrigue avec buis, genévrier, noisetier, thym, romarin, bruyère et massif d’épineux. Belle vue au passage sur le piton rocheux del Fraile, surnommé tantôt "le moine" tantôt "le cigare", et la peňa d’Amán.

Le sentier, consolidé par des rondins de bois, s’achève à la base de la muraille. Une chaîne aide à franchir le premier palier.

S’ensuit une courte vire rocheuse qui nous dépose au pied d’un escarpement de 5 à 6 m de haut. Des échelons en quinconce sont sertis dans le rocher et un filin permet d’assurer ses arrières.

 

A la sortie, une autre vire sous un surplomb nous amène au pied du second ressaut, de la même hauteur que le précédent. Une échelle verticale suivie de barreaux métalliques permettent de s'affranchir de cette dernière difficulté.

Une dernière grimpette et on débouche sur une plate-forme de la taille d’un court de tennis où subsistent les ruines de la chapelle San Miguel (XIe) et de la tour de guet du castillo de Sen. Des vautours fauves, des vautours percnoptères, des circaètes Jean-le-Blanc, des aigles bottés, des craves à bec rouge… et un deltaplane tournoient au-dessus des rares visiteurs de ce site imprégné de mystère.

Un poste d’observation idéal qui surplombe le rio Flumen et offre une vue étendue sur la Hoya de Huesca au Sud, l’embalse de Vadiello et la sierra de Guara à l’Est, le pic d’Aguila au Nord, la peňa Gratal à l’Ouest.

Historique

« La situation géographique du Salto de Roldan, en bordure de la plaine, écrit Claire Dalzin, l’a longtemps fait dédaigner des pyrénéistes, en dépit de la beauté et de l’originalité du site. »


Le comte Aymar de Saint-Saud, chargé de la cartographie de ces sierras oubliées, fut le premier à s'y aventurer. En août 1878, alléché par le récit de son ami Lequeutre sur son périple en Aragon, il partit avec le guide Pujo pour les gorges de Rodellar. Une équipée au fort parfum d’aventure. Aujourd'hui, il est difficile d’imaginer qu’à cette époque ces contrées demeuraient des terras incognitas dont on ignorait absolument tout ; comme le dit Russell, « on connaissait presque mieux la Laponie ». Saint-Saud, gagné par le virus de l’orographie, parcourut la sierra de Guara de fond en comble et commença d’en dresser la carte. « Je suis le cours du rio Flumen, écrit-il dans ses carnets, et je marche d’admiration en admiration dans ce merveilleux barranco. » Au débouché, il passa avec émerveillement entre deux gigantesques colonnes où nichaient des colonies d’oiseaux : le Salto de Roldán, lieu d’une vieille légende : le paladin Roland le Preux, commandant de l’arrière-garde de l’armée carolingienne, lors de sa retraite précipitée en France, fut poursuivi par les Vascons et dut sauter à cheval l’abîme qui séparait les deux mallos pour leur échapper. L’empreinte des sabots serait encore visible dans le rocher. Un acte d’éclat à rapprocher de celui qui lui fit pourfendre la crête du Cirque de Gavarnie d’un coup d’épée et de lancer sa Durandal jusqu’à Rocamadour… Le Salto de Roldán est fortement empreint d’histoire puisqu’en 941 il fût le théâtre d’une bataille livrée par le roi de Navarre Garcia Sanchez pour bouter les musulmans de la région, au prix d’un combat acharné il s’empara des fortifications édifiées sur les deux bastions par Sen et ses hommes… positions reprises l’année suivante par le calife de Saragosse. De retour à la sierra de Guara en 1881, Saint-Saud fera la première du Tozal de Guara (2.077 m) avec Jean Sarrettes, guide de Cauterets.

A la fin de l’été 1907, le pyrénéiste photographe Lucien Briet, quitta le pueblo de Santa Maria de Belsué pour explorer le site du Salto de Roldan et les gorges du rio Fulmen. « La peňa de Miguel se dégagea la première, relata-t-il, suivie du Fraile, puis ce fut le tour de la peňa d’Aman. Etouffé entre ces pylônes gigantesques, l’extravagante coupure sabrait le mur de la sierra d’une façon si nette et si impérieuse que l’on comprenait de suite pourquoi la gloire du baladin Roland flottait au-dessus d’elle comme au-dessus de la brèche crénelant le Marboré. Une diaclase, analogue à une fente meurtrière, parachevait la base de ce portail cyclopéen, entre les jambes duquel des bords d’horizon, nettement découpés, annonçaient la plaine de Huesca. » Le 22 septembre 1907, il prit la première photo connue de ce monumental édifice.

Chantre del Alto Aragon, de ses barrancos, canyons, gargantas et autres cuevas, Briet a été l’instigateur de la création du parc national d’Ordesa fondé sur le modèle de Yellowstone en 1918. A l’orée de la vallée, on trouve une stèle commémorative ornée de son buste qui rappelle son action en faveur de la protection de la nature.