La Sescorjada (2.442 m)

Accès routier  : À Vielha, prendre la direction de Pont d'Arròs puis bifurquer à droite pour suivre la route étroite et sinueuse qui mène à l'Artigua de Varradós et au Plan des Artiguetes. Garer son véhicule au parking du Saut deth Pish ou Pitx. Départ à 1.560 m.

Dénivelée  : 900 m.

Horaire : 5 à 6 h A & R.

Difficulté  : Itinéraire de moyenne montagne sans difficulté si on possède carte et sens de l'orientation. Car, en l’absence de balisage, on pourrait vite s'égarer parmi ces montagnes russes truffées de ravines et de barres rocheuses en cas de brouillard. Bâtons recommandés, crampons si neige.

Cartographie  : Carte n°11 au 1 : 40.000 des Editions Pirineo nantie d'un livret explicatif (Valle de Aran). Voir le beau site consacré à l’exploitation des mines du Liat : http://curiositespyrenees.blogspot.com/2016/03/mines-du-liat.html

La sèrra Sescorjada (Escorjada ou Sascorjada) se trouve sur la longue échine schisteuse et calcaire qui s’étire du Tuc des Neres et du Montlude, à l’Ouest, à la pica Palomera, à l’Est. Cette cordillère, qui sépare le val de Toran au Nord du val de Varradós au Sud et sert de ligne de partage des eaux entre les deux, est ponctuée de brèches et de dépressions dont le coth Sascorjada (2.205 m), vers lequel on va se diriger.

Du parking du Saut deth Pish, rebrousser chemin sur une trentaine de mètres, on trouve un panneau indiquant la direction de la cabane de Sascorjada et des mines abandonnées de Liat.

Plus ou moins bien distinct, le sentier s’élève au flanc du barranco de Sièsso, passe à l’aplomb de la cascade du Saut deth Pish, grimpe raide à travers une forêt de hêtres, de bouleaux et de sapins.

On débouche sur une clairière suspendue où le sentier se perd. Bien se repérer en prévison du retour.

Suivre les quelques cairns qui mènent à la cabane délabrée de Sascorjada (1.850 m). Gentianes, épinards sauvages et orties à profusion. Les pâturages qui abritaient il y a encore une dizaine d’années un troupeau de vaches sont déserts. Grandeur et décadence du pastoralisme aranais.

Belle vue au passage sur le val de Varradós, le massif de la Maladeta et les sommets du Haut-Luchonnais.

Partir vers l’Ouest hors sentier. Ne pas se laisser attirer par une trace vaguement cairnée qui file de niveau vers des bosquets de noisetiers, mais s’élever en direction des falaises où on finit par récupérer un vieux sentier de chasseur envahi par la végétation.

Suivre la sente qui longe les parois, traverse plusieurs pierriers et barrancos, se faufile entre les buissons.

Environ 2 h depuis le départ, on arrive au pied d’une combe ourlée d'un énorme bourrelet herbeux. La trace disparait définitivement à ce niveau.

On peut soit poursuivre sur le dos de la croupe, soit descendre dans le ravin et en remonter le talweg jusqu’à sa source – qui est également celle de l’Ariu deth Tèrme qui alimente non la cascade du Saut deth Pish mais le rio de Varradós, affluent de la Garona de Beret. Pentes raides et hors sentier. Ruines d’une cabane.

Une montée laborieuse nous amène à un cirque dominé par les murailles schisteuses de la Sascorjada (2.150 m). A gauche, l’échancrure du coth éponyme (2.205 m).

Bifurquer au Nord-Est pour rejoindre à droite le vallon suspendu qui s’en écarte.

Rude grimpade sur une rampe jonchée d’éboulis et de blocs épars.

Le terrain de jeux par excellence des cerfs, chevreuils et isards, qui se sont empressés de détaler à notre approche.

Les barres rocheuses contournées, virer au Nord et remonter les pentes gazonnées, flanquées d’un névé tardif.

On atteint sans coup férir la croupe de la sèrra puis son point culminant, à droite. Aucun cairn sur le dôme sommital, juste un buisson de globulaires à tiges nues.

Vaste panorama, qui complète harmonieusement ceux du Montlude et de l'Armèros. A commencer par les cimes à cheval ou proches de la crête frontalière : Serra-Haute, Maubermé, Crabère. Au Sud-Est : massifs du Montardo et du Besiberri. Au Sud-Sud-Est, Sarrahera, Aneto, etc.

A nos pieds, les forêts du val de Varradós au Sud et du val de Toran au Nord, peuplées d’isards, de chevreuils, de cerfs, de biches, de sangliers et autres renards. Une ribambelle d’estanys ignorés des cartographes parsèment le val d’Aran septentrional, dont les estanhs du Liat, proches du site des mines désaffectées où depuis le XVIIIe siècle furent extraits fer, plomb et zinc.

Historique

Le premier pyrénéiste à avoir gravi la sèrra Sescorjada n'est autre que le Nantais Maurice Gourdon, en 1879. Le moins qu’on puisse dire c'est qu’elle lui donna du fil à retordre – il est vrai qu’il l’entreprit par le versant de Sant Joan de Toran. Mais laissons-lui la parole pour mieux se pénétrer des conditions qui prévalaient à l’âge d’or du pyrénéisme (1860-1890) : « Si jamais jour se leva sous de tristes auspices, ce fut celui du 26 juillet 1879. Sur un ciel de plomb, des éclairs dessinent leurs flamboyants zigzags, et du côté des Monts-Maudits la pluie tombe déjà. A 4 h 35, profitant d'une éclaircie, nous partons pour la sierra Escorjada, franchissons le coth der Estanh. Pendant 5 min, je contemple au-dessous de moi la route qui serpente dans la jolie vallée de Toran au Nord.

La pluie, qui tout à l’heure tombait seulement du côté de la Maladeta, a peu à peu envahi la montagne ; gagnant vers l’Est, l’orage gronde au Montardo, à Colomèrs et à Ruda ; au moment où nous repartons, un sombre nuage s'avance rapidement vers nous et crève sur nos têtes ; nous continuons néanmoins notre marche. Nous ne tardons pas à laisser derrière nous (versant Toran) deux lacs couverts de glaçons, et sous une pluie battante et froide qui se change ensuite en grêle, nous avançons toujours. Nous avons enfin la bonne chance de découvrir sur le revers de la crête (versant Varrados), une grotte creusée dans un filon de schistes intercalé dans les calcaires. Je laisse à penser si cet abri fut le bien venu. Pendant 45 min, le vent, qui s'est levé tout à coup, souffle avec rage, la foudre éclate sur les pics voisins et la grêle tombe avec violence.

6 h 45, la tempête se calme un peu, et je quitte mon gîte ; repassant sur le versant de Saint-Jean de Toran, nous commençons, pour notre plus grand agrément l’escalade de parois calcaires fort inclinées ; les rochers pleurent, les gazons de festuca eskia, tout mouillés, nous glissent dans les doigts. Enfin, après 15 min de cet exercice, où les mains furent souvent aussi utiles que les pieds, nous arrivons sur un sommet (2.450 m) qui occupe à peu près le centre de la crête du Mail-Blanc (Sescorjada), et m'a paru le piton le plus élevé de cette étrange sierra (Sescorjada). Plusieurs fois déjà, du pont d'Arros, je l’avais vue et l’avais prise pour une longue chaîne à peine découpée et très facile. II n'en est rien ; ce n'est pas qu'elle soit dangereuse, mais elle est déchirée, lacérée de profondes et abruptes fissures infranchissables, et à tout moment il faut descendre sur un versant ou sur l’autre, se suspendre sac au dos, l’alpenstock en main, à des touffes d’herbes, à des pierres branlantes, chercher une corniche praticable, puis remonter avec les mêmes difficultés. Je n’ai pas compté, mais je suis certain de ne pas être au-dessous de la vérité en fixant à 10 ou 12 le nombre de pitons et de failles qu'il faut gravir ou passer pour atteindre une excellence source coulant sur les schistes en place. Nous venons en effet, et sans regret, de quitter les calcaires, et sur les schistes se voient très nettement de superbes traces de l’époque glaciaire : roches polies et finement striées. » Sur sa lancée, Gourdon s’octroya le même jour le Tuc des Armeros.

Chargé par le capitaine Prudent d’établir les relevés topographiques permettant d’établir de nouvelles cartes d’état-major, Gourdon explora à partir de 1876 les montagnes d’Aran et des Encantats, rarement pénétrées avant lui, et dont il fut le premier à révéler les sauvages beautés.