Ascension du Soum Couy (2.315 m)

Accès routier  : D’Oloron-Sainte-Marie, rejoindre la station de la Pierre-Saint-Martin par Aramits et Arette. À l’entrée de la station, au premier rond-point, s’engager à droite sur le parking du télésiège de l’Arlas, traverser l’aire de stationnement des campings-cars puis bifurquer à gauche pour prendre une route signalisée impasse qui se transforme en piste sous le refuge Jeandel repérable à son drapeau européen. Départ à 1.670 m.

Dénivelée  : 1.000 m environ compte-tenu des pertes de niveaux.

Horaire : 7 à 8 h A & R.

Difficulté : Course sans difficulté majeure en dehors de la traversée du lapiaz, qui réclame prudence et bonne visibilité. Fortement déconseillée par mauvais temps, à fortiori en cas brouillard. Escalade de cheminées faciles. Prévoir provision d’eau conséquente.

Cartographie  : Carte Rando Editions N°3 au 1/50.000e Béarn.

Historique : Six kilomètres en amont la station, au col de la Pierre-Saint-Martin (1.760 m), à la borne frontière 262, a lieu tous les 13 juillet une fête commémorative réunissant des maires de la vallée du Barétous et des alcades du val de Roncal espagnol. Cette tradition remonte à l’an 1375, où un litige ancestral qui opposait des bergers des deux vallées se disputant l’unique source coulant du pic d’Arlas fit un mort : le vacher espagnol. Pour mettre un terme à la sanglante vendetta, les gens du Barétous promirent d’offrir annuellement trois belles génisses à leurs à leurs confrères montagnards, pacte qui a perduré jusqu’à nos jours : c'est le « tribut des trois vaches ». La première ascension répertoriée de l’Anie est celle du géographe François Flamichon le 28 juillet 1771. Henri Reboul et Reinhart Junker lui succédèrent, respectivement en 1786 et 1788. A notre connaissance, aucun pyrénéiste connu n'a revendiqué une "première" du Soum Couy – aisément accessible, il est vrai, aux bergers et à leurs troupeaux par les pentes méridionales.

Bibliographie : Georges Véron, 100 sommets des Pyrénées (Rando Éditions, 2002). Henry Russell : Souvenirs d’un montagnard (Éditions PyréMonde, 2004). Miguel Angulo Pyrénées 1.000 ascensions Tome I (Elkarlanean)

La piste s’élève en lacets vers le Sud-Sud-Est, passe sous les remontées mécaniques puis auprès d’une bergerie et de divers chalets et baraquements. Autant d'infrastructures qui dénotent dans le paysage.

On atteint la jolie cuvette de Pescamou (1.780 m) en une demi-heure. La piste, bien entretenue, est fermée à la circulation en juillet et août. En dehors de cette période, on peut monter en véhicule de tourisme jusqu’à la bergerie de Pescamou (1.820 m), au pied du pic d’Arlas, ce qui fait gagner approximativement une heure A & R, et 200 m de dénivelée.

Les cochons noirs vivent en semi-liberté dans ces estives, déambulent comme chez eux en bordure de la piste et n'hésitent pas à venir vous renifler de plus près. Mais que viennent faire ici ces bipèdes ?, doivent-ils se demander.

En bordure de piste, on trouve un panonceau mentionnant Pic d’Anie 2h45, estimation relativement optimiste. Après avoir croisé une piste de ski caillouteuse, on s’élève vers le Sud dans les moutonnements herbeux en suivant un sentier balisé de cairns, de ronds rouge et de traits jaune que l’on va suivre jusqu’au col des Anies.

On laisse largement à droite un abri métallique où les spéléologues entreposent leur matériel (1.950 m) avant de passer sous la proue du Murlong. À ce niveau, bien repérer le chemin à prendre au retour.

Vers 2.000 m, on désescalade une barre rocheuse puis on pénètre dans le lapiaz proprement dit, où on va naviguer une heure d’affilée. Il s’agit du plus vaste karst d’Europe (15 km²) après celui du désert de Platé en Haute-Savoie. Spéléologues et hydrogéologues sont loin d’avoir fini d’explorer son réseau de galeries souterraines et de gouffres, qui compte parmi les plus denses et les plus profonds de la planète.

L’aileron de squale de l’Anie se profile dans le lointain, apparemment inaccessible.

Montées et descentes alternent dans un corridor encaissé globalement orienté Sud-Est. L’itinéraire est trop complexe pour être détaillé, il suffit de se laisser guider par notre fil d’Ariane rouge et jaune à travers ce relief tourmenté. On côtoie diverses crevasses et marmites emplies de décombres. On a l'impression d'être seul au monde. Pas un randonneur, pas un berger, pas même une chèvre. Seul le crissement des cailloux sous nos semelles gratouille un silence dont la minéralité ne fait aucun doute.

La vigilance s’impose lors de la traversée de cet univers lunaire, où les animaux eux-mêmes ne se risquent guère. Seuls des pins à crochets, des chardons bleus, des gentianes, des renoncules, des iris et des œillets à delta tiennent tête au vent qui s’engouffre dans la moindre fissure. L’empreinte inexorable de l’érosion se manifeste à chaque détour : parois balafrées par les eaux de ruissellement, frontons tailladés, pignons couverts de griffures, anfractuosités béantes, sculptures abstraites. « Nous sommes ici, affirme le spécialiste de la zone Joseph Canérot, dans une des plus belles morphologies karstiques du monde. »

Le défilé s’évase progressivement à mesure que l’on s’approche des contreforts du Soum Couy. On avance le soleil dans les yeux. Aucun distributeur de boissons fraîches dans les parages, dommage il ne manquerait pas de clients.

De la brèche du Bec de Canard cotée environ 2.010, le maître de céans apparaît dans toute sa splendeur, nimbé d’un panache de nuées. Suivre le sentier évident qui traverse une combe d'éboulis et mène au col des Anies.

Poussez jusqu'à une selle herbeuse (2.050 m) puis quitter le sentier du col des Anies pour bifurquer à droite à travers des pelouses grillées. Suivre la sente cairnée qui mène à une stèle rédigée en euskara (langue basque) et nantie d’une statuette. Continuer dans la même direction sur 500 mètres afin d’admirer l’architecture formidable, malgré son délabrement, du Soum Couy. On a peine à croire que les flots de l’océan aient un jour battu sa carène. C'est pourtant le cas. Non loin d’ici, les géologues ont trouvé des mollusques fossilisés datant du crétacé supérieur : la mer, lors de la fonte des calottes glacières, recouvrait alors la presque totalité de la chaîne pyrénéenne.

Du retour à la selle herbeuse, rebrousser chemin vers le lapiaz sur une trentaine de mètres, et repérer à droite une sente cairnée qui monte sur le flanc Nord-Nord-Est du Couy.

On escalade successivement deux fissures où court un filon de spath blanc et roux. La pente est raide et le terrain des plus instables.

Juste avant d'arriver en crête, remarquez sur la droite, incrustée dans la falaise du Couy une des grottes où, selon la légende, vivaient les démons de la montagne qui pouvaient se transformer en nappe de brouillard ou en feu follet. Passer une nuit d'orage ici doit être une expérience mémorable.

Un énième pierrier nous dépose à une brèche flanquée d’un énorme monolithe. La sente contourne contourne une barre, remonte la croupe faîtière à travers des banquettes semi-rocailleuses. Le sommet : une crête trifide que l’on parcourt sans problème. Au premier plan, l’Anie, imposant sous cet angle. À perte de vue, le labyrinthe des Arres qui, contrairement à celui dans lequel s’enferma Thésée, n’abrite aucun Minotaure.

Au retour, descendre versant Sud sur des pentes modérées en visant une station météo bardée d’antennes à la pointe d’un dôme herbeux. Sans l’atteindre, se diriger vers le terminal du télésiège du Soum Couy où on récupère la piste de ski croisée en début de parcours.