Ascension du Tozal de Bocs (2.733 m)

Accès routier  : De Bielsa, prendre la direction d’El Plan, en vallée de Chistau, puis celle de Salinas de Sin. A l’entrée du village, démarre en direction du collado de Sahun une piste en médiocre état d'une douzaine de kilomètres, signalée par un panneau (4x4 recommandé).

De la vallée de Venasque, la piste du col de Sahun démarre au petit village de Chia, à 15 km au Sud de Venasque. Longue d'une douzaine de kilomètres, la piste est plutôt bien entretenue aussi n'est-il pas nécessaire d'être équipé d'un 4x4.

Quelle que soit l’option choisie, de Sahun rejoindre la Pleta des Prats, départ de la course, par une piste pastorale en terre battue de 3 kilomètres (pentue et étroite) qui démarre à l'aval du col et est, en principe, interdite aux véhicules non autorisés. Elle nous fait perdre plus de 200 m de dénivelé.

Afin d'être à pied d'œuvre aux aurores, on peut bivouaquer au col de Sahun, non loin duquel on trouve un refuge qui sert d'abri aux vaches (2.005 m).

Dénivelée : 1.000 m A & R (de Sahun).

Horaire : 5 à 6 h A & R.

Difficulté  : Situé entre les Eriste et le col de Sahun, à l'extrémité méridionale du massif des Posets, le Tozal del Bocs (ou Bosc ou Boups) est un sommet trop éloigné des bases d’ascensions classiques et à l'altitude trop modeste pour susciter l'intérêt des yahous. Son ascension se décompose en trois parties : la remontée du barranco de Barbarisa sur un bon sentier, celle de la rampe pierreuse menant au collado del Cabo la Vall et enfin une intéressante course de crête. Sans être difficile, celle-ci se déroule hors sentier, à plein fil ou sur des pentes jonchées de caillasse. Avis aux amateurs.

Cartographie  : Carte n°6 au 1 : 40.000e (Posets/Maladeta) des Editions Pirineo nantie d'un livret explicatif (disponible en français).

Bibliographie : Alain Bourneton : Les grandes Pyrénées (Editions Glénat, 1995). Alban Boyer & Jésus Pardina : Randonnées dans les Pyrénées aragonaises (Rando Éditions, 1993).

Au terme de la piste (belle cascade en queue de cheval), traverser le torrent sur une passerelle de planches et monter vers la cabane pastorale des Prats et son enclos à moutons (1.780 m.). On trouve un panneau indiquant la direction des lacs de Barbarisa et du Tozal (balisage jaune et blanc). Les baliseurs espagnols ont accompli ces dernières années un magnifique travail, qu’ils en soient ici remerciés.

Partir vers l’amont (Nord), remonter un couloir encadré par deux énormes pitons de grès où, bravant la loi de la gravité, s’accrochent divers arbustes et épineux.

L’orientation ne pose aucun problème, le sentier s’élève en balcon, rive gauche du barranco de Llisat et de son torrent, dont il suit les méandres pratiquement jusqu’à sa source.

On navigue à découvert, à droite de la gorge, où les eaux cristallines bondissent en cascades aux ruptures de niveau. Le relief s’ouvre et s’évase à l’infini. Le comte Russell raconte qu’en 1878, les ours étaient nombreux dans cette zone et que mieux valait garder son fusil à portée de main. Aujourd'hui, il n’y a pas que les ours à avoir été chassé des lieux, on n’aperçoit ni isard ni vautour, seules quelques marmottes manifestent leur présence.

On franchit le ruisseau à gué avant de gravir le talus d’un ancien verrou glaciaire et de s’engager dans l’étroit défilé creusé par le torrent.

Au débouché, on découvre le lac inférieur (2.265 m). D’un émeraude profond, il s’étale au fond d’une pleta qu’affectionnent les moutons. À droite, nous domine le puissant Le Tozal, dont les dunes de gravats se déversent directement dans le lac (2 heures).

À la pleta de l'ibon chico (2 heures), quitter le chemin du col de Barbarisa au niveau d'un poteau balisé en orange, et suivre à droite le sentier qui rejoint le rio venu du lac supérieur de Barbarisa (2.315 m). Une descente à travers des banquettes herbeuses nous y amène.

Site sauvage et superbe, sur lequel plane un silence qui semble aussi minéral que les rochers qui le ceinturent. Une légère brise ride la surface du lac, sinon on pourrait la croire vitrifiée. Au fond de l'amphithéâtre profilent sur un ciel azuré la masse sourcilleuse du Bagüeňa (ou Bagüeňola ou Comajuana) et ses murailles de granit décharnées.

Au palier supérieur, à l'aplomb du col de Barbarisa et invisibles d'ici, nichent deux autres ibónes, victimes collatérales du réchauffement climatique. De passage dans le massif en 1878, le géographe Franz Schrader, qui fut le premier à le cartographier, s’émerveilla d'y trouver autant de lacs. « Rien de plus sauvage que ces vallons, écrivit-il, on les croirait brûlés, et dans chacun, nous trouvons un ou plusieurs lacs. Cet hérissement de crêtes granitiques plongeant de toutes parts dans des gouffres bleus est singulièrement beau et très original. » Cent quarante plus tard, force est de reconnaître que ces laquets, résidus d'un ancien glacier, sont en rapide voie évaporation. Bien révolu le temps où on venait y taquiner la truite...

Traverser le déversoir du lac pour récupérer un bon sentier qui contourne une barre rocheuse et s’élève à l’Est vers le collado del Cabo la Vall ou de la Ribereta.

À partir de là, il ne faut pas espérer rencontrer âme qui vive. Encore moins tomber sur un distributeur de boissons fraîches, aussi fera-t-on bien de prendre ses précautions en remplissant sa gourde. Les marmottes sont nombreuses dans ce vallon suspendu et prennent volontiers la pose.

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La pente est soutenue, après un replat un couloir d'éboulis nous amène au collado del Cabo la Vall ou de la Ribereta (2.480 m), large échancrure dans l’imposante barrière qui s’étire du Bagüeňa au Tozal et donne accès au vallon de l’Aigüeta de Grist d'où on peut rejoindre la vallée de Benasque.

Contourner l'éperon du col par la droite, et suivre les rares cairns qui balisent le début de la voie. On arrive vite au pied d'une cheminée rocailleuse qu'il faut escalader pour parvenir en crête (I+). Dès lors, on va suivre cette échine dans ses amples ondulations, quitte à s'aider des mains si nécessaire.

Sauf en cas de vent ou d'intempéries, la crête ne présente guère de danger pour un bon randonneur mais réclame une certaine vigilance sur plusieurs tronçons. Au besoin, on peut progresser en contrebas, versant Barbarisa, où une sente plus ou moins évidente serpente à travers blocs erratiques, éboulis et pelouses calcinées par le soleil.

On navigue sur des terrains de transition, où se chevauchent schistes, granits, calcaires et roches métamorphiques, offrant aux amateurs de minéraux l'occasion de belles trouvailles.

On atteint une première pointe (2.580 m) puis une seconde marquée d'un cairn imposant, le Tozal de las Lleras de Zezilia (2.705 m). La pente s’atténue avant d'attaquer l'éminence suivante.

Vue du Barbarisa, l'échine du Bocs, boursouflée par deux énormes gibbosités, évoque la silhouette d'un chameau (sans tête) mais sur place ce n'est pas deux bosses qu'on doit négocier mais une demi-douzaine. Toutes dans un état de délabrement avancé. 

Résultat, cette course de crête, que l'on n’entreprendra que par temps sûr, est plus longue qu'il n'y paraît et les jarrets auront à travailler avant de fouler la cime du Bocs.

De toute beauté, le panorama dédommage amplement le visiteur de ses efforts. À l'Ouest, Yerri & Barbarisa, Mont-Perdu & Vignemale ; au Nord, Baguëna, Eriste, Forqueta, Espadas & Posets ; à l'Est, Albe, Maladeta, Aneto, Russell & Ballibierna ; au Sud-Ouest, Las Once, Cotiella & Puntas Llerga.

Historique

Le Nantais Maurice Gourdon, qui le 10 juillet 1879 prospectait sur un filon de grenat à proximité de l’ibon de Pardinas, ne put résister au plaisir de gravir le sommet dominant du secteur, le pic d'Eriste. Sur sa lancée, il s’adjugea notre Tozal de Bocs. « De la cime, consigna-t-il, on jouit d'un fort joli coup d’œil sur le massif des Posets. D'ici, le Cotiella est superbe, et tandis que ses pitons flamboient sous les ardents rayons du soleil, un épais tapis de neige lui forme une éblouissante ceinture. (Barom. au sommet du Bocs : 527 hPa T : + 5°C). Malgré les rafales qui rugissent autour de nous et menacent de nous envoyer dans les vallées inférieures, Barthélemy et Bernard élèvent une pyramide ou je déposais ma carte. Après un séjour de 30 minutes, nous partons étourdis par la bourrasque. À mi-distance entre le Tozal et celui de la Habana (Tozal de Zezilia), la crête s'abaisse un peu pour former une échancrure qui permet de passer d'une vallée dans l'autre. Le vent ayant un peu diminué, nous nous arrêtons un instant, et j'ai la bonne fortune de trouver au milieu du col un filon d'idocrase brune et d'y recueillir de magnifiques échantillons très nettement cristallisés. »

Chargé par le capitaine Prudent d’établir les relevés topographiques permettant d’établir de nouvelles cartes d’état-major, Gourdon (1847-1941) explora à partir de 1876 les montagnes d’Aran, d'Andorre, de Catalogne et du Sud des Eriste, rarement pénétrées avant lui, et dont il fut le premier à révéler les sauvages beautés.

Féru de photographie, technique encore balbutiante, il partait systématiquement en expédition avec l'harnachement de l’époque, chambre noire portative, plaques, trépied et accessoires appropriés. Considéré aujourd'hui comme l’un des premiers photographes de la haute montagne pyrénéenne, au même titre que ses confrères et amis Trutat, Régnault, Lourde-Rocheblave et Le Bondidier, Gourdon réalisa au cours de sa longue carrière plus de 600 photographies et diapositives de la chaîne pyrénéenne.

Il est l'auteur de dizaines de "premières" mémorables dont celles du Montardo, du Maubermé, du Salenques, Colomers, Sendrosa, Peguera et, last but not least, du pic Noir (Haut-Luchonnais)... rebaptisé pic Gourdon en son hommage. À Salardú, en val d'Aran, le musée pyrénéiste lui en partie consacré.

Ces montagnes du Sud des Posets furent explorées au cours du XIXe siècle par les pyrénéistes Packe, Schrader, Gourdon, Le Bondidier, et Russell, qui en 1879 réalisa la première du Grand Eriste, et enjoignit son disciple Henri Brulle à s'y porter. Brulle y réalisa plusieurs campagnes, de même Jean Arlaud et son G.D.J.