Ascension du mont Valier (2.838 m)

Accès routier  : De Castillon-en-Couserans, suivre la D4, traverser Les Bordes-sur-Lez, prendre à gauche deux km plus loin la route d’Ayer qui remonte la vallée du Ribérot. Départ au Pla de la Lau, à 950 m.

Dénivelée  : 2.000 m répartis sur 2 jours.

Horaire  : 10 à 12 h répartis sur 2 jours.

Difficulté  : Longtemps considéré par les autochtones comme le sommet des Pyrénées, le Valier fait partie de ces cimes prestigieuses que l’on distingue de loin et auquel un pèlerinage s’impose : n’est-il pas le premier pic pyrénéen à avoir été gravi ? Ce pour la bonne cause : repousser les esprits maléfiques et étendre le Royaume de Dieu jusqu’au sommet des montagnes. Son ascension n’oppose aucune difficulté sérieuse aussi, bien qu’il doive céder la prééminence au Maubermé, point culminant du Couserans, il accueille dix fois plus de visiteurs que son suzerain. La présence du refuge des Estagnous permet de répartir les 1.900 m de dénivelée sur deux jours sans sacrifier au confort. Pour varier les plaisirs, on se propose de regagner le Pla de la Lau par le col de Pécouch et la vallée du Muscadet, boucle qui permet d’admirer la face Nord du Valier et la crête des Antiques.

Cartographie : Carte Rando Éditions N°6 au 1 : 50.000e Couserans.

Bibliographie : Louis Audoubert : Les plus beaux sommets des Pyrénées (Editions Milan, 1998).

Suivre le chemin macadamisé qui mène à la Maison du Valier (excellente adresse), puis la piste aménagée qui suit la rive gauche de la rivière. Sur les côtés, des panneaux en bois pyrogravé recensent les plantes ou les animaux observables dans cette zone domaniale. Les rapaces sont nombreux et bien représentés : vautour fauve, aigle royal, circaète Jean-le-Blanc, milan royal, faucon pèlerin, vautour percnoptère, gypaète barbu.

Pour l’heure, il mouillasse, il bruine, les sommets sont bien accrochés et aucun rapace ne daigne quitter son nid d’aigle cinq étoiles. Visibilité réduite à sa plus simple expression. On enfile le poncho, manœuvre qui donne toujours lieu à des contorsions improbables et on empoigne nos bâtons. À notre tour de nous déguiser en ectoplasmes.

Laissant à droite le sentier de Peyralade et la célèbre cascade des Échelles, on traverse le Ribérot sur un pont de rondins avant de pénétrer sous la hêtraie à la suite du GR transfrontalier. Ce vieux chemin de chasseurs et de passeurs, élargi lors de la reconstruction du refuge, monte sec sous les frondaisons où s’égoutte un crachin typiquement ariégeois. L’inventeur d’essuie-glaces pour lunettes ferait ici fortune.

On sort temporairement du bois au niveau de la cascade sur dalles de Nérech (1.350 m) puis après avoir franchi le torrent sur une passerelle métallique, on passe près de la Tute de l’Ours, grotte où il loisible de s’abriter par temps de pluie et auprès de laquelle coule une excellente source. Laissant à droite la cascade, le sentier grimpe sec parmi les rhododendrons vers la cabane des Caussis (1.859 m). On sort peu à peu des brumes scotchées au fond de la vallée.

On atteint le refuge des Estagnous (2.245 m) en trois à quatre heures. Admirablement situé au pied du Valier, il a été édifié en 1912 à l’initiative du Touring Club de France. Tombé à l’état de ruine à la fin de la guerre, il a été réhabilité en 1976 par des bénévoles puis reconstruit entièrement en 2000. Les gardiens Stéphane Amiel et Laurent Triolet accueillent les randonneurs de la mi-juin à début octobre, leur connaissance du terrain en font de précieux conseillers d’orientation et les fumets qui s’échappent de leurs fourneaux ont tôt fait de vous mettre l’eau à la bouche.

En attendant l’heure du repas, pourquoi ne pas s’installer sur la terrasse panoramique pour assister au coucher du soleil ? Spectacle féerique entre tous, la vallée du Ribérot, l’étang Rond et l’étang Long sont enveloppés de brouillard, seuls émergent les pics supérieurs à 2.000 m, pic de La Pale, pic de Sernaille, Tuc des Hèches, Trois Comtes, Barlonguère, etc. Un astre incandescent décline à l’horizon, voilant les alentours de pourpre, d’or, d’orange, de rose et de mauve : la journée se termine en apothéose. Mais laissons la parole à l'historien Jules Michelet qui ne cacha pas son admiration pour la luminosité si particulière des Pyrénées : « Leur sublime est dans la lumière, dans les ardentes couleurs, dans les éclairs fantastiques dont les couronne à toute heure ce monde âpre du Midi qu'elles cachent, qu'on voudrait voir. Là il faut bien avouer que les Alpes cèdent et pâlissent. Aux Pyrénées, les verts d'eau si singuliers et leurs gaves, certaines prairies d’émeraude, en contraste avec leurs ruines, le marbre vert, le marbre rouge qui perce le noir rocher, tout cela est fort à part. Un miracle incessamment se fait voir à leurs sommets, une transfiguration constante, dans un certain léger bleuâtre, dans l’inexprimable rosé, dans les ors, et dans les flammes du soir. »

Le lendemain, du refuge, passer auprès d’un pluviomètre pour récupérer le bon sentier qui s’élève vers la face Ouest du Valier.

On progresse en direction d’un amas d’éboulis schisteux puis au niveau d’un névé résiduel on bifurque à gauche pour grimper le long des murailles. Deux passages qui peuvent poser problème en cas de pluie ou de verglas sont sécurisés par des chaînes.

On atteint en une heure le col de Faustin (2.653 m), large selle herbeuse parsemée de blocs de grès erratiques d’où on devrait découvrir la forêt de Seix et la vallée du Haut-Salat si elles n’étaient pas ensevelies sous des nappes de brume.

Un sentier en écharpe monte à l’assaut de la rampe sommitale. La pente est respectable mais entravée d’aucune difficulté. En ligne de mire, les croix qui marquent le culmen auquel on s’accède en une demi-heure du col.

Sa position décalée par rapport à la chaîne axiale fait du Valier un belvédère exceptionnel dont la vue s’étend du Vignemale au Canigou. Se distinguent tout particulièrement : le Maubermé, le Mail de Bulard, le Barlonguère, les Trois Comtes, l’Aneto, la Punta Alta, le Péguère, le Certascans, la Pique d’Estats, le Saint Barthélemy, les Trois Seigneurs. Rien que des hauts dignitaires qui traversent les siècles sans rien perdre de leur superbe.

De retour au refuge, monter plein Nord en suivant les pancartes et le balisage jaune et blanc.

On prend de la hauteur sur des banquettes herbeuses encombrées de décombres épars vers le col de Pécouch (2.462 m), au pied du Cap de Pouech (2.491 m). Le Valier nous toise de quatre cent mètres, ce n’est pas peu dire qu’il en impose.

Vers l’aval, les Lauzets, vaste lapiaz raboté par d’anciens glaciers que l’on traverse en se fiant aux cairns et au balisage.

On descend vers l’étang de Milouga (1.959 m), qui offre une vue classique de l’austère face Nord du Valier et de la crête des Antiques, très déchiquetée après le mont Valeriat. On ne le voit pas de Milouga mais à l’étage supérieur se trouve un autre étang, longtemps pris par les glaces, celui d’Arauech (1.971 m).

On traverse le déversoir puis on file à flanc vers la cabane pastorale du Taus (1.885 m).

On surplombe la vallée du Muscadet, noyée dans les brumes. On flotte au-dessus des nuages, comme en apesanteur. Même si des vautours nous toisent de haut, difficile de ne pas se sentir pousser des ailes à la vue de cette mer de vapeurs suspendues entre ciel et terre.

Après une enfilade de montagnes russes, on gagne la bifurcation du Cap des Lauses (1.890 m) marqué d’un panneau indicateur. On récupère à ce niveau le GR10 qui après moult lacets en forêt nous ramène à notre point de départ, non sans une halte remplissage de gourde à la Cascade du Muscadet, où un vin blanc et sec coule à flots des cimes.