JEAN-JACQUES ROUSSEAU

1712-1778


CITATIONS & MORCEAUX CHOISIS

Agir

L'homme n'est point fait pour méditer mais pour agir. (Emile ou de l’éducation)

Amants

Depuis que le monde existe, on n’a jamais vu deux amants en cheveux blancs soupirer l’un pour l’autre. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Argent

On obtient tout avec l'argent, hormis des cœurs et des bons citoyens. (Les confessions)

L’argent qu’on possède est l’instrument de la liberté, celui qu’on pourchasse celui de la servitude. (Les confessions)

Il ne me faut que des plaisirs purs et l’argent les empoisonne tous. (Les confessions)

Bien

Je sens et je sais que faire du bien est le plus vrai bonheur que le cœur humain puisse goûter. (Rêveries du promeneur solitaire)

Bienfait

N’est pas toujours bienfaisant qui veut ; souvent tel croit rendre de grands services qui fait de grands maux qu’il ne voit pas pour un petit bien qu’il aperçoit. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Bonheur

L'espèce de bonheur qu'il me faut, ce n'est pas tant de faire ce que je veux mais de ne pas faire ce que je ne veux pas. (Correspondance)

Comme le premier pas vers le bien est de ne point faire le mal, le premier pas vers le bonheur est de ne point faire souffrir. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Non seulement nous voulons être heureux mais nous voulons aussi le bonheur d’autrui, et quand ce bonheur ne coûte rien au nôtre, il l’augmente. (Correspondance)

Capitale

Toutes les capitales se ressemblent ; tous les peuples s'y mêlent, toutes les mœurs s'y confondent ; ce n'est pas là qu'il faut aller étudier les nations. (Emile ou de l’éducation)

Caresse

Mon plus grand malheur fut toujours de ne pouvoir résister aux caresses. (Les confessions)

Célibat

L’homme n’est pas fait pour le célibat, et il est bien difficile qu’un état si contraire à la nature n’amène pas quelque désordre public ou caché. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Charité

La feinte charité du riche n'est en lui qu'un luxe de plus ; il nourrit les pauvres comme des chiens et des chevaux. (Correspondance)

Chef

Le chef est l'image du père, le peuple est l'image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n'aliènent leur liberté que pour leur utilité. (Du contrat social)

Chimères

Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité. (Les rêveries du promeneur solitaire)

Citoyen

Ces deux mots patrie et citoyen doivent être effacés des langues modernes. (Emile ou de l’éducation)

Riche ou pauvre, puissant ou faible, tout citoyen oisif est un fripon. (Emile ou de l’éducation)

Compassion

La compassion, cette répugnance innée à voir souffrir son semblable. (Correspondance)

Conséquences

C'est un excellent moyen de bien voir les conséquences des choses, que de sentir vivement tous les risques qu’elles nous font courir. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Conscience

La conscience est la voix de l'âme, les passions sont la voix du corps. (Emile ou de l’éducation)

Critique

La critique est une chose bien commode : on attaque avec un mot, il faut des pages pour se défendre. (Correspondance)

Curieux

On n'est curieux qu'à proportion qu'on est instruit. (Emile ou de l’éducation)

Décrire

Si je veux peindre le printemps, il faut que je sois en hiver ; si je veux décrire un beau paysage, il faut que je sois entre des murs ; et j’ai dit cent fois que si j’étais mis à la Bastille, j’y ferais le tableau de la liberté. (Les confessions)

Démocratie

À prendre le terme dans la rigueur de l’acceptation, il n’a jamais existé de véritable démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le plus grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné. (Du contrat social)

S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes. (Du contrat social)

Désamour

Quand on cesse d’aimer, la personne qu’on aimait reste la même qu’avant, mais on ne la voit plus la même. Le voile du prestige tombe, et l’amour s’évanouit. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Désir

Prévenir toujours les désirs n'est pas l'art de les contenter, mais de les éteindre. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Désirer

Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on l’obtient que de ce que l’on espère. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Dire

Ce n’est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c'est ce qui est ridicule et honteux. (Les confessions)

Écart

Trop souvent, un écart de jeunesse décide du sort de la vie. (Emile ou de l’éducation)

Education

Oserais-je exprimer ici la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute éducation ? Ce n’est pas de gagner du temps, c'est d’en perdre. (Emile ou de l’éducation)

Savez-vous quel est le plus sûr moyen de rendre votre enfant misérable ? C'est de l'accoutumer à tout obtenir. (Emile ou de l’éducation)

La seule habitude qu'on doit laisser prendre à l'enfant est de n'en contracter aucune. (Emile ou de l’éducation)

Émeute

L’émeute qui finir étrangler un sultan est un acte aussi juridique que ceux par lesquels il disposait la veille des vies et des biens de ses sujets. (Du contrat social)

Esclave

Les esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir. (Du contrat social)

Estime

L'estime de soi-même est le plus grand mobile des âmes fières. (Rêveries du promeneur solitaire)

État

Plus l’État s’agrandit, plus la liberté diminue. (Du contrat social)

Faiblesse

C'est la faiblesse de l’homme qui le rend sociable : ce sont nos mesures communes qui portent nos cœurs à l’humanité, nous ne lui devrions rien si nous n’étions pas hommes. (Emile ou de l’éducation)

Faute

Il faut rougir de faire une faute, et non de la réparer. (Emile ou de l’éducation)

Faux

Le faux est susceptible d'une infinité de combinaisons, le vrai n'a qu'une manière d'être. (Discours sur les sciences et les arts)

Faveur

En amour, une faveur qui n'est pas exclusive est une injure. (Correspondance)

Femme

De quelle adresse une femme n'a-t-elle pas besoin pour faire qu'on lui dérobe ce qu'elle brûle d'accorder ! (Correspondance)

Fidélité

Le devoir d’une éternelle fidélité ne sert qu’à faire des adultères. (Discours sur l'inégalité)

Gai

Un homme gai n'est souvent qu'un infortuné, qui cherche à donner le change aux autres, et à s'étourdir de lui-même. (Emile ou de l’éducation)

Grands hommes

Ce sont les grandes occasions qui font les grands hommes. (Discours sur les sciences et les arts)

Haïr

Je m'aime trop moi-même pour pouvoir haïr qui que ce soit. (Les rêveries du promeneur solitaire)

Heureux

Un homme vraiment heureux ne parle guère et ne rit guère ; il resserre pour ainsi dire son bonheur autour de lui. (Emile ou de l’éducation)

Homme

Tout homme est utile à l'humanité par cela seul qu'il existe. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Imagination

C'est l'imagination qui étend pour nous la mesure des possibles, et nourrit les désirs par l'espoir de les satisfaire. (Les confessions)

Instruire

S’il est souvent bon que de grands génies instruisent les hommes, il faut que le vulgaire reçoive leurs instructions : si chacun se mêle d’en donner, qui voudra les recevoir ? "Les boiteux, dit Montaigne, sont mal propres aux exercices du corps, et aux exercices de l’esprit les âmes boiteuses." (Lettre à Voltaire)

Interroger

L’art d’interroger est bien plus l’art des maîtres que des disciples. Il faut avoir déjà appris beaucoup de choses pour savoir demander ce qu’on ne sait pas. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Jouir

On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Justice

Il est manifestement contre la loi de nature, de quelque manière qu’on la définisse, qu’un enfant commande à son père, qu’un imbécile conduise un homme sage et qu’une poignée de gens regorgent de superfluités, tandis que la multitude affamée manque de nécessaire. (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes)

Liberté

Renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. (Du contrat social)

Plus l’État s’agrandit, plus la liberté diminue. (Du contrat social)

Lien familial

Les enfants ne restent liés au père qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. (Du contrat social)

Livres

Nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux. Substituer des livres à tout cela, ce n'est pas nous apprendre à raisonner, c'est nous apprendre à nous servir de la raison d'autrui. (Emile ou de l’éducation)

Je hais les livres, ils n'apprennent qu'à parler de ce qu'on ne sait pas. (Emile ou de l’éducation)

Loi

Les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent, et nuisibles à ceux qui n'ont rien. (Du contrat social)

Luxe

Ou le luxe est l'effet des richesses, ou il les rend nécessaires ; il corrompt à la fois le riche et le pauvre, l'un par la possession, l'autre par la convoitise. (Du contrat social)

Maîtres

Les peuples une fois accoutumés à des maîtres ne sont plus en état de s'en passer. (Discours sur l'inégalité)

L'homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. (Du contrat social)

Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. (Du contrat social)

Méditer

J'ose presque assurer que l'état de réflexion est un état contre nature, et que l'homme qui médite est un animal dépravé. (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes)

L'homme n'est point fait pour méditer mais pour agir. (Emile ou de l’éducation)

Mendiants

Si le grand nombre des mendiants est onéreux à l'Etat, de combien d'autres professions qu'on encourage et qu'on tolère n'en peut-on pas dire autant ! (Du contrat social)

Mode

La mode domine les provinciales, mais les Parisiennes dominent la mode. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Morale

C'est dans les siècles les plus dépravés qu’on aime les leçons de morale la plus parfaite. Cela nous dispense de les pratiquer. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Mort

Celui qui feint d'envisager la mort sans effroi ment. Tout homme craint de mourir, c'est la grande loi des êtres sensibles, sans laquelle toute espèce mortelle serait bientôt détruite. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Nature

La nature a fait l'homme heureux et bon, mais la société le déprave et le rend misérable. (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes)

Tout est bien sortant des mains de la nature. (Emile ou de l’éducation)

Jamais la nature ne nous trompe, c'est toujours nous qui nous trompons. (Correspondance)

Opinion

Le sauvage vit en lui-même : l'homme sociable, toujours hors de lui, ne sait vivre que dans l'opinion des autres. (Discours sur les sciences et les arts)

Ordre social

L'ordre social ne vient pas de la nature ; il est fondé sur des conventions. (Du contrat social)

Paganisme

Dans le paganisme, où chaque État avait son culte et ses dieux, il n’y avait pas de guerre de religion. (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes)

Paradoxe

J’aime mieux être homme à paradoxes qu’homme à préjugés. (Les confessions)

Paraître

Chacun met son être dans le paraître. (Les rêveries du promeneur solitaire)

Patrie

Ces deux mots patrie et citoyen doivent être effacés des langues modernes. (Emile ou de l’éducation)

Passion

Nos passions sont les principaux instruments de notre conservation. (Emile ou de l’éducation)

La conscience est la voix de l'âme, les passions sont la voix du corps. (Emile ou de l’éducation)

Ne sait-on pas que les passions sont sœurs, qu’une seule suffit pour en exciter mille, et que les combattre l’une par l’autre n’est qu’un moyen de rendre le cœur plus sensible à l’autre ? (Les confessions)

Ces hommes grossiers qui ne prennent les transports de l’amour que pour une fièvre des sens. (Les rêveries du promeneur solitaire)

Penser

C'est surtout dans la solitude qu'on sent l'avantage de vivre avec quelqu'un qui sait penser. (Les confessions)

Pitié

Les hommes n’eussent jamais été que des monstres si la nature ne leur eût donné la pitié à l’appui de la raison. (Discours sur l’inégalité)

Plaisir

Même dans le mariage, le plaisir n'est légitime que quand le désir est partagé. (Emile ou de l'éducation)

Progrès

Les goût des lettres et des arts naît chez un peuple d’un vice intérieur qu’il augmente ; et s’il est vrai que tous les progrès humains sont pernicieux à l’espèce, ceux de l’esprit et des connaissances qui augmentent notre orgueil et multiplient nos égarements, accélèrent bientôt nos malheurs. Mais il vient un temps où le mal est tel que les causes mêmes qui l’ont fait naître sont nécessaires pour l’empêcher d’augmenter ; c'est le fer qu’il faut laisser dans la plaie, de peur que le blessé n’expire en l’arrachant. (Lettre à Voltaire)

Promettre

Le plus lent à promettre est toujours le plus fidèle à tenir. (Emile ou de l'éducation)

Propriété privée

Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : "Ceci est à moi" et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux et comblant le fossé, eût crié à ses semblables : "Gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus et vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne !" (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes)

Pudeur

La pudeur n'est rien, elle n'est qu'une invention des lois sociales pour mettre à couvert les droits des pères et des époux et maintenir quelque ordre dans les familles. (Du contrat social)

Les femmes sauvages, dit-on, n'ont pas de pudeur car elles vont nues. Je réponds que les nôtres en ont encore moins, car elles s'habillent. (Correspondance)

Refuser

Il ne faut point refuser pour refuser, mais pour faire valoir ce qu'on accorde. (Emile ou de l'éducation)

Religion

Jamais peuple n’a subsisté et ne subsistera sans religion et si on ne lui en donnait point, de lui-même il s’en ferait une ou serait bientôt détruit. (Du contrat social)

Remords

Le remord s'endort devant un destin prospère, et s'aigrit dans l'adversité. (Les confessions)

République

J'appelle République tout Etat régi par des lois, sous quelque forme d'administration que ce puisse être. (Du contrat social)

Sagesse

La jeunesse est le temps d’étudier la sagesse ; la vieillesse est le temps de la pratiquer. (Les rêveries du promeneur solitaire)

Savant

Ôtez à nos savants le plaisir de se faire écouter, le savoir ne sera rien pour eux. (Correspondance)

Savoir

Il n’y a qu’un pas du savoir à l’ignorance ; et l’alternative de l’un à l’autre est fréquente chez les nations ; mais on n’a jamais vu de peuple, une fois corrompu, revenir à la vertu. (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes)

Sens

Il ne faut rien accorder aux sens quand on veut leur refuser quelque chose. (Les confessions)

Sentiment

Si c'est la raison qui fait l'homme, c'est le sentiment qui le conduit. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Silence

Le silence absolu porte à la tristesse. Il offre une image de la mort. (Les rêveries du promeneur solitaire)

Société

La nature a fait l'homme heureux et bon, mais la société le déprave et le rend misérable. (Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes)

Soi

L’essentiel est d’être ce que nous fit la nature ; on n’est toujours que trop ce que les hommes veulent que l’on soit. (Emile ou de l’éducation)

Pour être quelque chose, pour être soi-même et toujours un, il faut agir comme on parle : il faut être toujours décidé sur le parti qu’on doit prendre, le prendre hautement et le suivre toujours. (Emile ou de l'éducation)

Solitaire

L'homme civil veut que les autres soient contents de lui, le solitaire est forcé de l'être lui-même ou sa vie lui est insupportable. (Les rêveries du promeneur solitaire)

Superflu

Celui qui n'a rien désire peu de choses ; celui qui ne commande à personne a peu d'ambition. Mais le superflu éveille la convoitise : plus on obtient, plus on désire. (Du contrat social)

Tristesse

L’âme résiste bien plus aisément aux vives douleurs qu’à une tristesse prolongée. (Julie ou la nouvelle Héloïse)

Vieillir

Les peuples ainsi que les hommes ne sont dociles que dans leur jeunesse, ils deviennent incorrigibles en vieillissant. (Du contrat social)

Vivre

J’étais fait pour vivre et je meurs sans avoir vécu. (Les rêveries du promeneur solitaire)

Voir

Je ne sais rien voir de ce que je vois ; je ne vois bien que dans ce que je me rappelle, et je n’ai d’esprit que dans mes souvenirs. (Les confessions)

Voisin

Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins. (Emile ou de l'éducation)

Vue

La vue est de tous les sens celui dont on peut le moins séparer les jugements de l’esprit. (Emile ou de l'éducation)

Yeux

Qui croit devoir fermer les yeux sur quelque chose se voit bientôt forcé de les fermer sur tout. (Emile ou de l'éducation)