Ascension du pic d'Arriel (2.825 m)

Accès routier : Vallée d'Ossau. De Gabas prendre la route du Pourtalet, dépasser le lac de Fabrèges puis, environ 4 km plus loin, laisser la voiture au lieu-dit le Caillou de Socques, énorme monolithe cubique où s'adosse une vieille cabane. Départ à 1.400 m.

Dénivelée  : 1.450 m du Caillou de Socques. 600 m du refuge d'Arrémoulit (2.305 m).

Horaire  : 9 à 10h A & R à partir du Caillou de Socques. 4 à 5 h A & R à partir d'Arrémoulit.

Difficulté  : Pour randonneurs confirmés. Le passage d'Orteig doit être négocié avec prudence et évité en cas d'intempéries, de même l'escalade de la pyramide sommitale.

Cartographie  : Carte N°3 Béarn au 1 : 50.000 de Rando Editions.

Bibliographie : Pierre Maes : 50 randonnées dans les Pyrénées (Arrens-Marsous/Gabas/Gourette/Lescun) (Editions L'Astrolabe, 1987).

Arrivée au refuge d'Arrémoulit d'une fine équipe en provenance du refuge de Migouélou : Liza, Michel, Kaël, Huguette & Ben. Leur objectif du lendemain : une visite de courtoisie au monarque des lieux, sa majesté l'Arriel (ou Saldiecho). Sa première ascension a été réalisée voici 170 ans par le capitaine topographe Saget et son guide Jean Biraben, dit Eschotte (1851).

Situé dans un cadre superbe au bord du lac d'Arrémoulit, entre le Palas et l'Arriel, le refuge est accessible en 3½ heures à partir du Caillou de Socques via le passage d'Orteig (compter une heure supplémentaire par le col d'Arrious). Accès possible par le petit train touristique d'Artouste. Le refuge est géré par le C.A.F de Pau et gardé depuis 2008 par Pierre-Jean Pradalier et Françoise, tous deux aussi à l'aise en montagne qu'aux fourneaux.

Lever du jour sur un splendide décor, le soleil pare de bronze les flancs de l'Arriel, des nappes de brume s'effilochent à la surface du lac. Tout cela est de bon augure.

Tournant le dos au Palas, on traverse le déversoir du lac d'Arrémoulit sur un muret puis file vers l'Ouest en suivant un cheminement bien cairné. Il se faufile à travers les banquettes de granit poli, franchit plusieurs névés avant d'arriver à un promontoire nanti d'un grand cairn.

En une demi-heure, on arrive au passage d'Orteig, sente en corniche vertigineuse mais équipée d'un cable. Négocier cette difficulté avec prudence, surtout par mauvais temps, plusieurs victimes sont à déplorer. En 1881, ce mauvais pas n'était pas sécurisé et le comte Roger de Bouillé qui s'y risqua avec ses filles par temps de brouillard finit par y renoncer : " Une roche dépenaillée qui dégringole dans le vide. À quoi se raccrocher ? Elle est hérissée d'artémises en fleur, couvertes de rosée, dont ceux qui nous suivent reçoivent les gouttelettes dans le cou."

Pour la petite histoire, Jacques Orteig (1834-1904) était un chasseur d'isards reconverti en guide dont l'endurance est restée légendaire. Son domaine de prédilection : la vallée d'Ossau et le val d'Azun. Surnommé l'animal des Eaux-Bonnes, il effectua en 19 heures chrono la course Eaux Bonnes-Balaïtous-Eaux Bonnes en compagnie d'Alphonse Lequeutre et d'Henri Passet. C'est sur ses instances que Russell réalisa en juin 1870 la première du Balaïtous par le glacier et la cheminée de Las Néous, accessibles par le refuge Ledormeur.

Le sentier nous mène au déversoir du lac d'Arrious, d'où l'on aperçoit le pic d'Arriel et son frère jumeau. On le contourne afin de récupérer un itinéraire cairné qui nous amène à la base du vallon de Sobe.

À l'Ouest, l'Ossau émerge des brumes matinales tel un vaisseau fantôme échoué sur quelque haut-fond.

On parvient sans encombre au col frontière de Sobe (2.450 m), qui offre une vue plongeante sur la vallée d'Aguas Limpias.

De là, virer à gauche en suivant une sente qui navigue entre monceaux d'éboulis et névés en perdition. Direction la brèche d'Arriel ou col Saget (2.608 m), marquée par un piton rocheux caractéristique.

L'élégante pyramide de l'Arriel nous domine encore de plus de 200 m et l'aspect rébarbatif de sa crête ne laisse pas d'impressionner. Ce n'est pas quarante siècles d'histoire qui nous contemplent mais 80 millions d'années... De quoi faire réfléchir !

Suivre la sente qui grimpe dans la caillasse versant Arrémoulit puis escalader les nombreux blocs qui composent la crête. Louis Audoubert et Georges Véron conseillent d'encorder les néophytes, ils n'ont pas tort, certains passages sans être difficiles sont délicats et peuvent générer l'appréhension. À une trentaine de mètres de la cime, on rencontre un petit pont de dalles aérien que l'on peut éviter par une vire caillouteuse sur le flanc droit. La suite n'est qu'une formalité.

Un panorama époustouflant nous attend au sommet : pics de Ger et d'Amoulat, Ossau, Vignemale, Grande Fache, pics d'Enfer, Balaïtous, Palas, Tendeñera, on ne sait pas où donner de la jumelle. " Allez voir de là-haut, écrivait George Cadier, l'architecture et la coloration byzantines des coupoles entre Partagua et Bisaurin, le soir le Balaïtous flambant aux derniers feux du jour... "

En face de nous, la masse sombre de la Frondella et du Balaïtous barre l'horizon. On distingue parfaitement au centre la brèche Latour, à gauche la Grande Diagonale et la crête Packe-Russell. En contrebas, les lacs d'Arrémoulit scintillent comme de minuscules flaques d'eau. Un bref instant, on éprouve l'impression de se sentir oiseau, de survoler le monde, de pouvoir lui échapper.

Retour par le même chemin au refuge dont on ne saurait trop vanter la qualité de l'accueil et l'excellence de la table. Alors que l'Arriel s'enfonce dans l'ombre, dîner au bord du lac ne manque ni de charme ni de sel. Au menu : amuse-gueules, garbure aux asperges sauvages, confit de canard, pâtes en gratin, entremet du chef. Après le bol de lumière et d'espace, un souper de roi arrosé d'un exellent Madiran ! Que du bonheur !