Ascension de la Punta Suelza (2.973 m)

Accès routier  : De Bielsa, descendre la vallée direction L'Ainsa puis à Salinas de Sin prendre à gauche la direction de Plan et de la splendide vallée de Chistau. Laisser à droite la route de Saravillo et prendre à gauche celle de Sin. Avant de descendre sur le village de Serveto, emprunter à gauche, en face d’un panneau d’information touristique, la piste qui mène au collado de la Cruz de Guardia (non signalé). 12 km de piste stabilisée accessible à tous les véhicules à condition de rouler doucement. À partir du col (2.113 m), la piste est réservée aux seules personnes autorisées mais il n’y a pas de barrière et on peut poursuivre sur 2,5 km jusqu’à la cabana de las Pardinas, terme de la piste (2.050 m). Compter sinon une bonne demi-heure de marche.

Dénivelée  : 950 m.

Horaire  : 5 à 6 h A&R.

Difficulté  : À l’écart des routes battues, le chaînon Fulsa/Suelza sépare la vallée de Chistau de celle d'Ordizeto et n’est desservi que par des pistes utilisées par les derniers bergers, espèce en voie de disparition, comme partout ailleurs. Autant dire que leur fréquentation est des plus réduites, avantage inappréciable en ces temps troublés. L’ascension de la montagne flamboyante, pour reprendre un terme de notre ami Louis Audoubert, s’effectue sur de raides pentes d’herbes et de caillasse. Ambiance minérale et sauvage dans un décor de roches lie-de-vin, de grès brûlés par le soleil, de lacs aux eaux émeraude. Bâtons télescopiques recommandés.

Cartographie  : Carte n°5 au 1 : 40.000 des Editions Pirineo nantie d'un livret explicatif (Bielsa, Val de Chistau)

Bibliographie : Henry Russell : Souvenirs d’un montagnard (Editions Pyrémonde, 1999). Raymond Ratio & Louis Audoubert : 50 balades et randonnées dans le Haut Aragon (Editions Milan, 1995).

De la cabana de las Pardinas (2.050 m), longer le rio éponyme, en franchir le gué, et suivre le talweg de la combe direction Nord-Ouest.

On passe près d'un enclos puis d'un abreuvoir millésimé 1935.

Arrivé en vue d'une bergerie, repérer un cairn qui indique la voie.

La sente prend en écharpe une butte herbeuse jonchée de chardons bleus puis s'engage dans un couloir rocailleux.

À son sommet, on débouche sur un promontoire occupée par la cabane de Barleto, qui bénéficie d'une vue splendide sur les Maristas, le Cotiella et les montagnes de Barrosa et de Bielsa.

L’orientation ne pose aucun problème. Bien visible au Nord, la Suelza nous invite à parcourir sa longue échine dorsale. Le paysage s’étend à l’infini, un open space grandeur nature. Cadre idéal pour prendre ses distances avec les paysages sans relief, les autoroutes tracées au cordeau, les agglomérations urbaines et leurs centres d’attractions sans âme.

Cairné de façon sporadique, le sentier épouse le relief des croupes d’herbes qui se succèdent sans répit pour les jarrets. Le temps est splendide, une légère brise pousse les nuages vers la France. Le soleil gorge de lumière une montagne déjà remarquable par ses couleurs fauves, sa morphologie si particulière, son isolement, sa position privilégiée, entre le massif du Mont-Perdu et celui des Posets.

Les géologues nous apprennent que les Puntas Suelza et Fulsa sont les seuls sommets pyrénéens de cette altitude constitués de grès rouges reposant sur un socle de granite. « Il s’agit de roches sédimentaires arrachées par l’érosion à l’ancienne et très vaste chaîne de montagne hercynienne, érigée il y a environ 300 millions d’années, puis déposées (à la fin de l’ère Primaire, au Permien, et au début de l’ère Tertiaire, au Trias) par des fleuves, dans les dépressions de la chaîne, réduite, du fait de cette érosion, à l’état de pénéplaine, et constituée de granite dans cette région. La couleur rouge provient du fait que celle-ci se trouvait à l’époque en zone tropicale, où le climat chaud et humide permettait une dégradation poussée de certains minéraux, jusqu’au stade des oxydes de fer, ce qui est le cas actuellement de la latérite. » (Cf. www.kdtoulouse.free.fr. Remarquable travail qui mériterait une impression.)

À l’altitude 2.600 m, se dresse un cairn imposant, repère utile pour la descente.

Bosse après bosse, on a pris de l'altitude, en témoigne la vue plongeante qu'on a sur la vallée de Bielsa, 1.500 m plus bas et et la sierra des Très Marias.

On surplombe les ibones de Barleto, d’une stupéfiante couleur émeraude. Les domine la fière silhouette de la Punta Fulsa, autre éminence de la zone. Sa grande sœur, la Suelza, semble beaucoup plus accueillante.

Le dôme est large et sans souci, la déclivité modérée, on laisse derrière nous les pelouses grillées pour progresser sur un terrain caillouteux, veiné de filons cramoisis.

La sente vient buter sur un amas sédimentaire, qu'on franchit aisément avant d'atteindre une selle pierreuse marquée d’un cairn (2.800 m).

Remonter la pente d’éboulis rougeâtres et instables qui permet de contourner par l’Ouest les contreforts aux stratifications inclinées.

Suivre la trace qui louvoie parmi les tombereaux de pierres à fusil et les gradins rocheux, à la recherche du meilleur passage, en s’aidant si nécessaire des mains.

Cet obstacle négocié, ne reste qu’à gravir le dôme sommital à travers une zone lapiazée, truffée de blocs épars.

Si l'expression "avoir le monde à ses pieds" signifie quelque chose, c'est le moment de l'employer. On se trouve sur d'un des meilleurs observatoires des Pyrénées aragonaises. Mont-Perdu, Néouvielle, Barroude, Robiñera, Munia, Batoua, Bachimala, Posets, Eriste, Cotiella, Montañesa... rien que de l'upper class à perte de vue.

On pourrait descendre la crête Nord-Ouest de la Suelza pour rejoindre le col d'Ordizeto via le col éponyme, mais ce serait loin d'être le plus court chemin pour récupérer notre véhicule à Pardinas. A moins de disposer de plusieurs jours.

Le collado de la Cruz de la Guardia, qui relie la vallée de Bielsa à celle de Chistau, fut ainsi baptisé par les carlistes qui y avaient installé un campement lors du conflit qui les opposa aux troupes loyalistes. Il fut franchi par nombre de pyrénéistes, à commencer par Alfred Tonnelé en 1858, qui y monta depuis Bielsa afin de rejoindre la vallée de Chistau.

On ne saurait trop conseiller aux amateurs de courses de crête celle des Maristas et de son point culminant : le pico el Orban.