Ascension du pic de Hourgade (2.965 m)

Accès routier  : De Luchon, suivre la N 618 en direction du col de Peyresourde. Prendre à gauche la route qui mène à la station de ski de Peyragudes. Contourner la station par la droite et prendre la large piste qui longe les télésièges, passe auprès d'une retenue d'eau puis atteint l’esplanade du restaurant Le cabanon. Départ à 1.750 m.

Dénivelée  : 1.300 m.

Horaire  : 8 à 9 h A & R.

Difficulté  : Superbe course pour montagnards et randonneurs expérimentés : traversée délicate de névés et escalade sommitale.

Cartographie : Carte Rando éditions N°4 au 1 : 50.000e Bigorre.

Bibliographie : Pierre Maes : 50 randonnées dans les Pyrénées (Barèges/St-Lary/Loudenvielle/Luchon) (Editions L'Astrolabe). Jean Château : Le chemin de Clarabide (Éditions Arthaud, 1970). Alain Bourneton : Les lacs de Nère et le pic de Hourgade (Pyrénées Magazine, Été 2006).

Tourner le dos au restaurant pour se diriger vers un panneau affichant Val des lumières. On récupère là un sentier qui file vers une selle herbeuse à gauche du Pène de Magnéras (1.845 m).

De l'autre côté de la croupe, bifurquer au Sud-Est en suivant le GR10 tracé en balcon au-dessus du pittoresque Val d'Aube, au fond duquel on aperçoit bientôt la cabane d’Ourtiga.

On a vite en fond d’écran les vallons jumeaux de Nère et de la Belle-Sayette (serge de laine mêlée de soie). Au centre, le Hourgade capte l’attention et motive l’impatience, il culmine au faîte d’un massif en forme de fer à cheval où se raccordent les nervures élancées des pics précités. À droite de la Sayette (2.812 m), la Porte d’Enfer (2.560 m), au Sud du pic d’Estiouère, où Russell et Packe, égarés dans le brouillard, passèrent une nuit fatidique lors de la conquête des Gourgs-Blancs en 1864. Au Nord, sur le versant Ouest de la montagne de l’Ourtiga, le Pichadères (2.550 m) et la crête de Pène de Bas s’inclinent vers le lit de la Neste du Louron.

Le sentier croise plusieurs sources et raillères, passe sous le Cap des Hittes (2.370 m) et le Montségu (2.355 m), surmonte une nervure rocheuse avant d’atteindre, sans avoir pris beaucoup d'altitude, le Couret d'Esquierry (2.130 m), col qui donne accès au célèbre val d'Esquierry, le paradis des botanistes.

Après cette mise en jambes préambulaire, quitter le GR10 pour récupérer à droite dans les rhododendrons un sentier bien tracé qui passe auprès d’un refuge récemment restauré puis grimpe sèchement vers une falaise rougeâtre coupée d’un ravin d’éboulis fuyants, de plus en plus difficile à négocier à mesure que les années passent (2.275 m). Une alternative, encore à l’état d’ébauche, démarre au-dessus du Couret et récupère la voie normale en amont de la faille schisteuse.

Le sentier déroule à flanc sur des pentes raides, franchit deux murets, dont le second porte le nom du "Pas du Pêcheur", qu’il faut escalader en profitant des fissures des dalles.

On se dirige apparemment vers une échancrure où bondit un torrent mais on l’évite par la gauche, pour la laisser en contrebas. Des divers gradins s’écoulent des cascades fraîches et pétillantes. En paraphrasant Russell, on pourrait dire : Pour ceux qui n’ont pas vu un torrent de montagne sous un ciel bleu et par une matinée lumineuse, l’eau vive est un mot vide sens : ils n’ont jamais rien vu de vif-argent.

On poursuit largement à gauche du fil du torrent, pour longer les contreforts du pic de Nord Nère. Le sommet du Hourgade demeure invisible, masqué par des éminences secondaires. La pente se redresse, on pénètre dans un univers de rocaille et de cascatelles, alimentées à profusion par la fonte de neiges.

Après le passage d’un ruisseau, on atteint le lac inférieur de Nère (2.380 m), nappe d’eau azurée aux berges tapissées de névés résiduels.

On franchit à gué le déversoir, remonte un bourrelet morainique qui nous amène au lac supérieur (2.420 m), enchâssé au creux d’une cuvette où flotte une armada de plaques de glace. Les deux piliers pyramidaux qui le coiffent se reflètent dans ses eaux givrées, d’une tonalité bleu acier.

Site lacustre superbe et sauvage, qui mérite amplement une halte contemplation. On rencontre généralement davantage de pêcheurs que de randonneurs dans ce sanctuaire, attirés par la réputation poissonneuse des lacs de Nère. Mais le Hourgade ne manque pas d’adeptes et ceux-ci trouvent là un bivouac de rêve.

On repasse rive droite, attaque l’étage supérieur, butte constituée de grandes banquettes rocheuses.

On prend de l’altitude vis-à-vis du lac supérieur de Nère pour se rapprocher d’un rognon rocheux, puis des escarpements du pic d’Espingo (ou de Leytarous, 2.856 m). Un névé d’une bonne centaine de mètres nous offre le choix entre le traverser ou suivre le fil de sa bergschrund. Crampons utiles dans les deux cas.

Gradin après gradin, névé après névé, on parcourt dans le sens horaire le front de l’amphithéâtre de Nère, dominé par le pic éponyme (2.795 m).

La sente, plus nette et relativement bien cairnée, nous entraine vers une selle herbeuse. Au passage, on découvre à main gauche un troisième lac minuscule et congelé, celui de Nère Arrouye (2.730 m), blotti à l’ombre d’un énorme piton qui veille sur ses eaux mentholées. Vision boréale s’il en est.

On débouche à un col sans nom (2.780 m), d’où on peut enfin admirer le Hourgade dans toute sa splendeur. Impressionnant. Vu sous cet angle, il a davantage l’allure d’une crête ou d’une barrière rocheuse que d’un pic proprement dit. Le culmen, ce n’est pas évident de ce point, se trouve au centre. À nos pieds, un quatrième et dernier lac vitrifié, celui de d’Arrouye (2.790 m). Réplique géante du précédent, il occupe un cratère quasi circulaire où viennent mourir les névés de la face et surprend par son incroyable couleur lapis lazuli. Une robuste dent rocheuse, enracinée à l’Est, l’oblige à se déverser au Sud dans le val de Nère.

En fin d’été, une sente serpente dans la pierraille jusqu’au pied d’un couloir d’éboulis situé à droite de la cime. Lorsque le couloir est totalement enneigé, il est préférable de viser la pointe d’une longue langue rocheuse qui mène plus près du sommet. Chausser les crampons et empoigner l’alpenstock pour traverser le névé qui plonge vers le lac. Prudence, passé le cordon morainique, même l’inclinaison est modeste, une glissade ici équivaut à un bain glacé.

Débarquer sur le rocher, et grimper à pleine pente, selon sa convenance. Les traces se perdent ; ici et là quelques cairns émaillent le décor et indiquent les passages possibles. L’inclinaison s’accentue, on évolue sur un terrain hyper rocailleux en direction de la crête que l’on atteint au prix de vingt minutes de gymnastique.

Continuer plein fil, escalade facile et peu aérienne, avec l’aide des mains si nécessaire.

Le Hourgade est la montagne fétiche des fins gourmets du Luchonnais, culte que l’on partage volontiers, on y revient comme en pèlerinage, ce par différentes voies, par Espingo et le val d’Arrouye, par les granges d’Astau et le val d’Esquierry, ou encore par le GR 10 du val d’Aube. Tonnellé a été, avant Russell, le premier à dire le bonheur éprouvé à gravir un sommet à plusieurs reprises. Écoutons-le : « Que de choses, dans la nature comme dans l’art, ont besoin d’être savourées, pénétrées, et font plus d’impression, déjà connues et goûtées, à une seconde entrevue ! La curiosité est moins préoccupée, et l’on est tout entier à la jouissance, au sentiment du plaisir. »

Un sommet qui mérite assurément plusieurs visites, bien qu'il n'atteigne pas la barre fatidique des "3.000". Aux fondus de l’altimètre, qui estiment qu’un pic coté 2.800 ou 2.900 m n’est pas digne d’intérêt, nous dirons que si on comptait toujours en toises (1,80 m environ) comme au XVIIIe siècle, le ridicule de cette collectionnite sauterait aux yeux et nous les invitons à monter au Hourgade, qui reste le meilleur belvédère pour observer les sommités du Haut-Luchonnais : Hount-Secs, Quayrat, Lézat, Royo, Perdiguère, Seil de la Baque, Arlaud, Gourgs-Blancs, Clarabide, etc. La teinte vert amande du lac de Caillaouas, que l’on surplombe de 800 m, ne laisse pas de surprendre. Son barrage, qui alimente la centrale de la Soula, en haute vallée du Louron, a été construit entre 1938 et 1940. Le chemin de Clarabide qui y mène a été creusé à la dynamite et à la barre à mine en 1895. Auparavant la remontée des gorges passait par le "Parédou", vertigineuse vire d’une cinquantaine de mètres qu’on devait franchir collé à une muraille ruisselante, accroché aux rares saillies, le précipice à ses pieds. La Santeta, déplacée plus tard, était censée protéger qui traversait cette corniche.

Au centre du système, l’échine déchiquetée qui s’étire du Hourgade au Belloc et au Spijeoles.

Le tour d'horizonse poursuit avec le Perramo ou Tuca des Corbets, le Bardamina, l’Espadas, le Posets et l’Aygues Tortes, et à l’arrière-garde, le monstre chauve du Cotiella. Au Sud-Ouest, la Puntal del Sabre, le Bachimala et l’Abeillé exposent leurs flancs décharnés au soleil levant.

À l’Ouest, derrière le Batoua, le Lustou, le Thou et l’Estos, la vue stratosphérique s’étend du Mont-Perdu au pic du Midi de Bigorre et à l’Arbizon, en passant par les massifs de la Munia, du Vignemale, du Campbiel et du Néouvielle.

Panorama d’exception qui nous remet en mémoire une pensée émise par le sociologue Pascal Bruckner : « Le luxe aujourd'hui réside dans tout ce qui se fait rare : la communion avec la nature, le silence, la méditation, la lenteur retrouvée, le plaisir à vivre à contretemps, l’oisiveté studieuse, la jouissance des œuvres majeures de l’esprit, autant de privilèges qui ne s’achètent pas parce qu’ils sont littéralement hors de prix. » (L’euphorie perpétuelle)

Sommet secret, sommet de puristes et d’initiés, le Hourgade est un des rares sommets du Haut-Luchonnais à n’avoir pas reçu la visite de Russell, qui, le confondant avec la Belle-Sayette, promettait « des émotions violentes à quiconque attaquera ses murailles noires et nues ». Henri Brulle, Jean Bazillac et Célestin Passet s’en chargèrent le 31 juillet 1882. En 1890, le Nantais Maurice Gourdon monta au Hourgade avec chambre noire portative et trépied, il y prit une photo restée fameuse du Haut-Luchonnais et de son guide de référence Barthélémy Courrège, dit Nieou. Il suffit de comparer ce cliché avec le panoramique actuel pour mesurer la régression des glaciers en cours.